Le cocktail pairing
On connait tous le très classique accord mets et vins. D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, il était difficile d’imaginer une autre alliance pour accompagner un plat. Aujourd’hui, on peut déguster une bière stout pour souligner le goût d’un fromage, du whisky avec des ribs cuisinés au barbecue et même des cocktails. Si une boisson peut magnifier un plat, elle peut aussi le gâcher, c’est pourquoi le cocktail pairing se doit d’être justement dosé.
On dit que le phénomène s’est amorcé en Australie sous la houlette du chef Ryan Clift. Avant d’avoir son propre restaurant, ce dernier dirigeait les cuisines de Vue du Monde, à Melbourne. Un lieu très huppé, notamment grâce à ses propositions audacieuses. Au départ, l’idée est venue comme un coup de tête, puis elle a mûri, si bien qu’au bout de quelques mois, le restaurant ne désemplissait plus, présentant un cahier de réservation complet sur plusieurs mois. Le chef le dit lui même : « On avait créé un monstre ! ». Le monstre en question s’est tout de même retrouvé dans les valises de Ryan lorsqu’il a ouvert son restaurant à Singapour The Tippling Club, proposant à la fois des accords mets et vins et mets et cocktails : « Nous avons un rapport très humble au vin et nous essayons de lui laisser une place importante ». Contrairement au vin, proposer un cocktail demande un peu de gymnastique afin d’associer au mieux les saveurs du plat et de la boisson. Dans notre imaginaire, le cocktail est souvent associé à la fête et à des choses très sucrées comme les célèbres mojitos ou cosmopolitains. Pour se marier à un plat, il faut se détourner du sucre pour trouver l’équilibre idéal.
Les alcools forts aiment la cuisine et l’on sait désormais qu’un rhum blanc accompagnera à merveille un plateau d’huîtres, qu’un cocktail à base de gin agrémenté d’agrumes se mariera volontiers avec un ceviche. Parmi ses plats signature, Ryan Clift, dont les cuisines s’apparentent davantage à un laboratoire de chimiste, préparait un cylindre de foie gras renfermant un jus sirupeux comme une sorte de vin chaud. Pour l’accompagner, on dégustait un cocktail à base de champagne, travaillé avec différentes épices rappelant également le goût du vin chaud, le tout étant servi dans une coupe agrémentée d’une tranche d’orange séchée. L’équilibre était la clé de ce cocktail, car outre le sucre pouvant paraître écoeurant à la longue, le taux d’alcool d’un verre de cocktail ne correspond en rien à celui d’un verre de vin.
Il faut doser ses ingrédients avec parcimonie, surtout lorsqu’on s’attaque à un menu dégustation en cinq étapes. N’hésitez pas à réaliser des petits formats de cocktails plutôt que des long drinks. Les verres à martini au look vintage feraient parfaitement l’affaire, autant en termes de taille que de style. Libre à vous de surprendre vos convives en variant les boissons. Afin de rythmer le menu, on peut commencer le repas en accompagnant l’amuse-bouche d’un cocktail, puis poursuivre avec une bière et une entrée ou tout simplement un verre de vin. Les saveurs d’un cocktail sont complexes et les mixologistes auront la tâche de magnifier des plats en jouant sur l’acidité, l’amertume, ou encore la fraîcheur. Le rôle de la boisson est d’accompagner le plat comme un choriste accompagnerait un chanteur, si le choriste chante trop fort, la performance est ratée. Aussi, ne voyez pas les choses en grand tout de suite et retenez vos ardeurs quant à l’originalité de vos propositions. Vous pouvez commencer avec un simple kir ou un cocktail au champagne. Pour accompagner un plat fin aux saveurs subtiles, rehaussez-le d’un cocktail qui a du caractère avec des arômes affirmés. Au contraire, pour accompagner un plat épicé, choisissez plutôt un cocktail rafraîchissant et léger.
Encore aujourd’hui, les cocktails ont la mauvaise réputation d’anesthésier le palais ou de gâcher les saveurs d’un plat. Au contraire, le vin recouvre le palais tandis que les spiritueux absorbent le gras et nettoient le palais pour laisser une page blanche à une nouvelle bouchée. Les pairings ne sont jamais une tâche facile, que ce soit pour un sommelier ou un mixologiste. Gardez à l’esprit qu’il n’y a pas de fausses notes et que l’important reste de s’amuser en surprenant vos convives !