C’est sûrement ce qu’on aime le plus à Rome : avoir la sensation de se balader dans un immense musée à ciel ouvert. Et s’il y a un lieu où l’on se sent submergé par l’Histoire, c’est bien à la Villa Médicis. Parce qu’avant que Leonardo DiCaprio et Richard Gere y mettent les pieds, Hector Berlioz, Georges Bizet et Claude Debussy ont séjourné dans cette bâtisse majestueuse qui surplombe la ville éternelle. Depuis 1803, les pensionnaires de l’Académie de France, créée par Colbert en 1666, y posent leur valise chaque année. Après avoir été sélectionnés sur concours, ils peuvent venir créer dans cet écrin de verdure, grâce à une bourse qui couvre leurs besoins. Les Romains comme les touristes viennent gratuitement assister à des concerts, des spectacles tous les jeudis ou se faire une toile au milieu des pins parasols.
Il y a quelques années, le chef Alain Passard est même venu discuter de l’art de la cuisine, car la gastronomie aussi a sa place entre ces murs. Deux amoureux de la cuisine ont, jusqu’à présent, effectué une résidence de plusieurs mois dans ce cadre de rêve : Xavier Arrey Verges en 1998 et Emmanuel Giraud en 2008. Le premier a pu, en toute liberté et loin du quotidien, faire des recherches sur la cuisine du Moyen-Âge, le second a étudié attentivement les festins exubérants, de l’Antiquité au siècle des Lumières. Sa recette fétiche ? «L’anchois Monte-Cristo » qui consiste à faire rôtir un filet d’anchois contenu dans une olive, elle-même fourrée dans un ortolan, contenu dans une caille, une grive, une bécasse puis dans une poularde, mais à ne manger… que l’anchois. Un pareil laboratoire, une telle carte blanche pour créer est une chance unique pour ces docteurs en gourmandise, et les places sont ouvertes à tous les autres chefs.
En se promenant dans les allées arborées, si près de ces hommes et ces femmes en pleine retraite artistique, on a l’impression de flâner dans une ruche bourdonnante. Au détour d’un chemin, un jardinier incite les passants à croquer dans les oranges amères: on est bien au cœur de l’Italie. Et l’actuelle directrice apprécie particulièrement ce cadre de vie :
«Tout me plaît ici, les Romains, la lumière, le patrimoine. Et, surtout, avoir la chance de vivre avec les artistes.» Un bonheur que tout le monde, sans être pensionnaire, peut désormais s’offrir: depuis quelques années, on peut dormir sous les plafonds historiques aux caissons dorés de la Villa. Depuis une chambre d’hôte sommaire, on embrasse le panorama qui court de la basilique Saint-Pierre du Vatican au Mont Palatin et on admire la loggia. Ici, pas de room service, on se restaure au café des pensionnaires. Pour accéder à ce calme, il faut y mettre le prix (à partir de 225 euros la nuit) et surtout, prendre son mal en patience: au bout de plusieurs mois d’attente, vous aurez peut-être la chance de séjourner, vous aussi, dans ce refuge romain.