Redécouvrir la chicorée

Les français en boivent plus d’un milliard de bols chaque année mais on sait pourtant peu de choses sur la culture et la fabrication de la chicorée à café. Cette cousine des salades chicorées que l’on trouve sur les étals des maraîchers -comme la trévise ou le chicon- nous intéresse surtout pour sa racine.

On la consomme en Europe depuis le 17è siècle mais c’est surtout à partir du 19è que la chicorée a dû se substituer au café. Un peu d’histoire pour mieux comprendre : en 1905, la bataille de Trafalgar anéantit la quasi-totalité de la flotte maritime française, laissant tout le loisir aux anglais de conquérir ses colonies. En réponse, Napoléon met en place un blocus interdisant tout commerce avec les anglais. Les foyers français seront ainsi privés de sucre et de café. C’est de cette manière que va se développer la culture de betterave à sucre et donc de chicorée ! Aujourd’hui encore, on la cultive essentiellement dans le Nord de la France où la chicorée représente un véritable poumon économique notamment pour la ville d’Orchies, siège de la fameuse entreprise Leroux. 

À quoi ressemble la chicorée ?

La racine ressemble de loin à un radis blanc c’est pourquoi pour arriver jusqu’à la table du petit-déjeuner, il faudra la transformer. Une fois récoltées, les racines de chicorée sont débitées en lamelles qui seront ensuite séchées, on appelle le résultat des cossettes. Ensuite, comme pour le café, un maître-torréfacteur entre en jeu et va lentement chauffer les cossettes à 140°C, afin d’en extraire un maximum de saveurs sans les brûler. À ce stade il s’en dégage une odeur délicieusement caramélisée. Une fois refroidies, les cossettes sont grossièrement broyées et l’on obtient la chicorée en grains qu’on va pouvoir filtrer comme un café. 

Côté vertus, la chicorée n’est pas en reste puisqu’elle a l’avantage d’être végétale et riche en fibres. De plus, elle ne contient pas de caféine et on peut donc la boire à tout moment de la journée. 

La chicorée pourrait-elle remplacer le café ? 

On entend déjà les coffee geeks frémir d’effroi ! En tout cas c’est le pari de Florent Ladeyn, un chef emblématique du Nord de la France. Ses restaurants à Lille et Boescheppe jouent la carte d’un locavorisme absolu : dans ses cuisines vous ne trouverez ni poivre, ni chocolat, ni café. Depuis plus de deux ans, le traditionnel caoua de fin de repas a été remplacé par la fameuse chicorée. 

Au restaurant, la boisson a été pensée comme un succédané, c’est-à-dire que le chef est allé chercher les notes qui lui plaisent dans le café comme l’amertume, la rondeur mais aussi l’acidité. Dans sa recette, Florent Ladeyn ajoute aussi des graines de tournesol torréfiées qui viennent apporter un côté gras, et de l’orge malté moulu qui contrebalance les arômes en apportant un côté un peu plus rustique. L’idée n’est pas de faire un ersatz de café mais une boisson chaude qui en ait tous les marqueurs, tout en travaillant avec une économie locale !

Sans surprise, les clients en raffolent aussi bien charmés par la boisson que que par le rituel de la cafetière à filtre qui arrive fumante à leur table. Même les plus sceptiques demandent à repartir avec une boîte du précieux breuvage. Le chef réfléchir actuellement à une nouvelle recette sans gluten qui serait élaborée avec du sarrasin toasté.

La chicorée en cuisine

Chez ce chef emblématique du Nord, la chicorée trouve sa place dans différents desserts comme la crème brûlée ou le flan, mais aussi dans les accords mets et boisson du restaurant ! La chicorée n’a pas encore remplacé la bière et le vin, cependant le chef nous a confié adorer le kombucha à la chicorée. Ses cuisiniers le préparent à l’auberge avec une infusion de mûrier et de la camomille et le résultat serait bel et bien sa boisson préférée au monde. À la maison, vous pouvez toujours innover en remplaçant le café par la chicorée dans les pâtisseries ou en préparant un tiramisu à la mode chti avec des spéculoos et de la chicorée ! 

Pour l’heure, la boisson se fait encore rare à la carte des coffee shops français, toutefois la tendance prend largement Outre-Atlantique côté Californie ! Du côté de Los Angeles, des cafés comme Sqirl conjuguent à merveille plaisir et bienfaits et il n’est donc pas rare de croiser ce genre de breuvage cafeine free à boire nature ou agrémenté de lait d’amande et de datte, ou même de pissenlit et de clou de girofle. 

En tout cas il y a fort à parier que la chicorée parviendra bientôt à se frayer une place à la carte des cafés, quelque part entre le café latte et le chaï tea

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Déborah Pham
Co-fondatrice de Mint et du restaurant parisien Maison Maison. Quand elle n’est pas en vadrouille, elle aime s’attabler dans ses restos préférés pour des repas interminables arrosés de vins natures. Déborah travaille actuellement sur différents projets éditoriaux et projette de consacrer ses vieux jours à la confection de fromage de chèvre à la montagne.

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