Impossible pour elle de trouver une seconde à nous accorder par téléphone et pour cause : à seulement 29 ans, Paloma Lanna dirige déjà
deux affaires. La première s’appelle Nice Tings et a été fondée par ses parents, Miguel et Paloma. La seconde se nomme Paloma Wool et mêle son amour de la mode et sa vocation pour la photo. Car ce qui inspire la créatrice barcelonaise, c’est l’art en général. Fille unique et très proche de son père et de sa mère, Paloma a été nourrie à l’élégance et au style. Elle est née à San Sébastian mais a été baladée de Tokyo à New York
toute son enfance, à la recherche des tendances et des meilleurs fournisseurs. Avec leur marque Globe, très populaire chez les ados des années 1980 – plus que Mango et Zara –, les Lanna connaissent un vif succès alors qu’ils n’avaient pas été formés au business. Une crise économique plus tard, la famille a perdu Globe, mais lance Nice Tings en 1995.
Petite, Paloma, fascinée par les couleurs, rêve de devenir peintre en bâtiment, puis elle réalise qu’elle veut plutôt devenir designer. Au moment de choisir sa voie à l’université, ses parents lui conseillent d’étudier le commerce afin de savoir diriger une compagnie et éviter la banqueroute à laquelle ils ont dû faire face quelques années plus tôt. À la fac, Paloma a l’envie de créer sa propre marque de vêtements appelée
«Little Paloma ». Son père l’encourage, mais sa mère lui conseille de trouver un concept plus fort. Quelques années plus tard, la jeune femme perd son papa et rejoint sa mère à la tête de Nice Tings. L’expérience dure deux ans et en 2014, elle se rend compte qu’elle peut lancer un projet artistique sans fonder une marque pour autant. Une ligne de vêtements qui laisse une grande place à la photo : la voilà, l’idée originale qui plait cette fois à sa mère. Son avatar, Paloma Wool, est né.
Le féminin est une source d’inspiration permanente pour Paloma et son équipe, entièrement constituées de femmes.
Le label va à contre-courant des grands principes de l’industrie de la mode. Pas de saisons, pas de production de masse et pas de soldes, mais des collections capsules fabriquées à Barcelone, avec du tissu européen.
Quand un article est épuisé, il n’y a pas de réassort pour ne pas pousser à la consommation. Des États-Unis à la Corée, il faut donc être attentif lorsque sortent les mules en cuir tant convoitées. Les créations fuides,
intemporelles et épurées qui font le succès de la maison vont des tops courts jaune citron aux tee-shirts ornés de la silhouette de Cléopâtre, dessinée par l’artiste Tana Latorre. La force de Paloma Wool réside
en ses supports artistiques multiples, au-delà des vêtements: on s’habille, mais on adhère en même temps à un imaginaire. Afin que les clientes touchent du doigt l’expérience «Paloma », les coulisses des shootings sont même relayées sur les réseaux sociaux.
Tous les portfolios sont photographiés par Paloma, autodidacte touche-à-tout. À l’adolescence, elle n’avait de cesse de créer des albums de ses amis et de sa famille, une tradition transmise par sa mère. Plus tard, en voyage à Hong Kong, elle met la main sur un appareil argentique dans
un marché aux puces. Au moment de développer ses photos, elle est sous le charme et abandonne définitivement le numérique. Un choix graphique qui confère à ses collections une atmosphère onirique. Outre l’esthétique minimaliste et délicate de son label, ce sont les campagnes
dans lesquelles les modèles ont des profils variés – des corps ronds, élancés et parfois des monosourcils – qui séduisent le public. Les femmes qui posent ne sont pas retouchées et leur naturel n’en est que sublimé. Car le féminin est une source d’inspiration permanente pour Paloma et son équipe, entièrement constituée de femmes. Chaque collection correspond à un concept. Son dernier projet s’intitule « femme créative » et rend hommage aux mères et à la terre nourricière à travers des portraits aux couleurs douces. Avant ça, elle avait sorti des pièces en lin où l’on devinait des figures féminines en train de prendre un bain ; une autre fois, c’étaient les déesses grecques qui l’avaient
inspirée.
Si vous y faites attention, vous remarquerez que les mêmes visages reviennent souvent dans les projets de Paloma. Ses amies font partie intégrante de son affaire et les collaborations sont multiples. Si elle ne les connaît pas, la Barcelonaise contacte sur Instagram les créatrices avec qui elle aimerait travailler. Le site de la jeune femme sert ainsi de vitrine à des artistes internationales comme Carlota Guerrero, Alba Yruela, Isabella Killoran, Tanya Posternak et Blanca Miró. Avec elles,
Paloma imagine des performances, des livres et des installations vidéos qui transcendent l’acte de s’habiller. L’esprit d’équipe lui donne le sentiment qu’elle peut réaliser ce qu’elle veut. Des femmes qui aident des femmes à créer et construire ensemble dans le respect de toutes, voilà le message que Paloma veut que l’on retienne en s’intéressant à son univers.