Après avoir fait voyager nos papilles avec une offre street-food dans ton restaurant éphémère au Palais de Tokyo, comment se dessine la carte de MoSuke ta nouvelle adresse gastronomique ?
Chaque recette est travaillée autour de trois axes : le produit, la technique et l’assaisonnement. Ils vont apporter un marqueur régional particulier à tous les plats. Prenons le poulet yassa, un met populaire d’Afrique de l’Ouest. Je vais partir d’une volaille française venant des Landes qui va être accompagnée d’oignons de Roscoff et d’agrumes japonais, le citron yuzu ou le citron kabosu.
Peux-tu nous donner un autre exemple de plat ?
Nous proposons la sole, cuisinée sur le même principe. Le poisson est assaisonné à partir d’un mélange traditionnel d’épices japonaises appelé shichimi togarashi. Il se compose principalement de piment, de poivre sansho, de sésame et d’écorce d’agrumes. Ce qui va donner un parfum si particulier à la chair et révéler toutes ses saveurs c’est la technique de cuisson en feuille de bananier. Elle consiste à emmailloter le poisson que l’on va laisser cuire doucement sur les braises.
La rencontre de ces trois cultures gastronomiques doit nécessiter un sacré carnet d’adresses de producteurs. Où t’approvisionnes-tu ?
Je découvre une multitude de variétés de fruits, d’épices, de légumes et de viandes auprès de producteurs spécialisés. Je pense notamment à Damien Blasco qui possède un verger d’agrumes incroyables où j’ai redécouvert le combava et le kumquat. C’est une partie du métier qui m’anime beaucoup car les possibilités d’associations sont infinies. L’inspiration vient du chef mais aussi du producteur qui va lui ouvrir de nouveaux horizons en lui présentant telle ou telle nouveauté. Je me fournis aussi pas mal à l’épicerie fine japonaise Issé, chez Yasai, Tang frères et quelques boutiques de Château Rouge pour les produits africains…
Cette recherche de la singularité du produit j’imagine qu’on la retrouve également côté cave ?
Notre carte présente une sélection de vins biodynamiques français, et de vins naturels sud-africains à la typicité intéressante découverts avec mon ami sommelier, rencontré dans les rangs du Mandarin Oriental. Nous proposons également des sakés non pasteurisés, légèrement pétillants, aux subtiles notes florales parfaits pour l’apéritif. Et d’autres, ayant une amplitude aromatique plus importante pour accompagner une viande rôtie par exemple.
Est-ce qu’il y a des plats qui ont particulièrement marqué ton enfance ?
Le soupou kandja, une sauce concoctée à partir de gombo et de poisson séché servant à infuser la base dans laquelle va mijoter la viande, ainsi que le fameux poulet yassa de ma maman. D’où l’attention particulière que je porte à celui que je servirai à ma table. Je compte travailler chaque morceau de la volaille en trois ou quatre services. Il sera proposé rôti, frit, farci et grillé tout en gardant ses marqueurs l’oignon et le citron, accompagné de différents condiments, allant du riz rond, au riz cassé en passant par le riz camarguais.
Le chef japonais Nobu Matsuhisa s’affairait à la découpe parfaite d’un thon de plus de 100 kg à l’aide d’un katana que lui avait apporté son assistant. Il le sort de son fourreau et l’empoigne comme un véritable sabre de samouraï. Ses gestes étaient si vifs, si précis
Mory Sacko, chef
Avant ton passage remarqué dans Top Chef, tu as fait tes armes au Mandarin Oriental ainsi qu’au Royal Monceau et au Sangri-La, que retiens-tu de ces expériences ?
Beaucoup de travail, de rigueur et de précision, surtout en apprenant le métier aux côtés de chefs comme Hans Zahner et Thierry Marx. J’ai également reçu une claque technique au Royal Monceau dont je garde un souvenir ému. Le chef japonais Nobu Matsuhisa s’affairait à la découpe parfaite d’un thon de plus de 100 kg à l’aide d’un katana que lui avait apporté son assistant. Il le sort de son fourreau et l’empoigne comme un véritable sabre de samouraï. Ses gestes étaient si vifs, si précis.
Quelles sont les cuisines de toques françaises ou internationales qui t’inspirent ?
Celle d’Alexandre Mazzia démontrant qu’il est possible d’avoir une utilisation intelligente du piment. Il peut être très agréable et révéler une palette aromatique incroyable sans mettre le feu au palais. Je citerai également celle de René Redzepi à la tête de Noma dont je suis admiratif des techniques de fermentation, Thierry Marx encore une fois qui m’a beaucoup appris et bien d’autres.
Des adresses coups de cœur à nous partager ?
La table de Kei Kobayashi, le premier chef japonais triplement étoilé de France. Celle de David Toutain très créative, ou encore Ze Kitchen Galerie aux influences d’Asie du Sud Est.