Quand la cuisine des chefs s'invite à votre table

Première neige à Paris. Ce matin de janvier, Robert Mendoza a enfilé ses moufles avant d’enfourcher le vélib’ qui allait lui permettre de livrer les parisiens. L’ancien chef du Saint-Sébastien avait posté un message deux jours plus tôt annonçant qu’il préparait deux kits pour tacos. En peu de temps, Rob s’est retrouvé sold out.

En attendant le printemps

Comme des centaines de chefs, Rob n’est pas restaurateur. Il ne peut donc pas improviser de vente à emporter à grande échelle comme le font de nombreuses adresses. En attendant que le vent tourne, il est mis de côté et patiente. Chaque jeudi, la réouverture des restaurants est repoussée et bien que la date du 20 février ait été annoncée, les professionnels du milieu redoutent une réouverture courant avril. Hier, le magazine Le Point annonçait une réouverture courant avril selon des sources en contact direct avec l’Elysée, Matignon et Bercy. 

Cette paralysie générale dans le milieu de la restauration a des conséquences économiques dramatiques sur le secteur et pèse extrêmement lourd sur le moral de ses acteurs. La fermeture généralisée des restaurants a sonné le glas du coup de feu en cuisine, de la convivialité et des moments partagés. Chez les cuisiniers, la relève se met en place. Depuis quelques mois, une poignée de chefs propose des plats en livraison. Leur communication se fait presque exclusivement via Instagram. 

Une cuisine réconfortante

16 janvier. Robert Mendoza s’affaire en cuisine pour préparer ses repas, inspiré par deux amis s’étant lancés avant lui : « Gareth Storey et Hanzhou Piao livrent des repas à Paris depuis des mois. Tous deux proposent une cuisine très humble, c’est ce qui m’a encouragé à proposer des tacos. C’est mon plat préféré. Je dirais même que c’est une passion. Tu ne peux pas t’empêcher de sourire quand tu manges un tacos et j’ai envie de partager ce sentiment. »

De son côté, l’ancien chef de Chambre Noire et de Martin, boire et manger, Gareth Storey lance le « Meals on wheels ». Un nom qui fait écho à une organisation américaine chargée de livrer des repas aux personnes âgées isolées. La formule de Gareth consiste à aller au plus simple : il suffit d’allumer son four, d’ouvrir une bouteille et de manger ! Le tout avec un minimum de vaisselle.  Gareth ajoute : « Une des choses qui me rend triste dans le fait de ne plus travailler dans un restaurant ou un bar à vin est de voir les clients profiter des plats et des vins. C’est pour cela que je propose un accord mets et vins. De cette manière, je continue à soutenir les cavistes que j’aime tout en faisant découvrir des vignerons. » Le chef proposera cette semaine un chou farci. La semaine dernière, ses lasagnes préparées avec un ragoût de boeuf, foies de volaille et pancetta représentaient un joli monument de comfort food.

Le chef Hanzhou Piao travaille actuellement chez Pierre Gagnaire et livre des raviolis le dimanche et le lundi matin. Ce chef originaire de Vancouver prépare des recettes de raviolis gourmets « au feeling » : « Ma pâte ressemble à un type de dumplings qu’on trouve en Corée. Mes farces sont peu conventionnelles puisque j’y mélange beaucoup de choses comme du veau et du lardo. Cette semaine, ce sera veau, nduja et fromage à raclette. Je fais des associations sans me concentrer sur l’aspect traditionnel, je veux juste que ce soit bon. » Durant le premier confinement, Hanzhou a commencé à cuisiner des raviolis pour en offrir à ses amis avant de décider de les vendre sur Instagram au second. 

Tacos au porc, préparé par Robert Mendoza

Des courses à la livraison à domicile

Retour dans le 20è arrondissement du côté de la Porte de Bagnolet. Les commandent inondent la boîte de messagerie de Rob qui, après des mois d’inactivité, a le sentiment de retrouver un but dans sa vie. Si le format sied à quelques chefs, lancer une telle entreprise n’a rien d’une promenade de santé : « Le plus difficile est de tout organiser. Les courses, la mise en place, les cuissons, l’emballage et la livraison à vélo. Je suis content de ne le faire que trois jours dans la semaine et très chanceux d’avoir ma petite-amie Djelissa pour m’aider dans ce projet ! » Il va sans dire que ces plats livrés à la maison ne sont qu’un ersatz de restaurant et qu’ils ne remplacent en rien ce qui manque aux chefs autant qu’à nous autre clients. Rob confesse : « Travailler me manque, avoir une routine me manque. L’adrénaline d’un gros service me manque. Le bourdonnement du restaurant rythmé tel un coeur qui bat. La vie me manque, comme à tout un chacun. » Espérant que la vie qu’on aime reprendra le plus tôt possible.

Pour commander :

Robert Mendoza – Hotline Taco
Gareth Storey – Meals on wheels
Hanzhou Piao – Dumplings

Journaliste
0 article par :
Déborah Pham
Co-fondatrice de Mint et du restaurant parisien Maison Maison. Quand elle n’est pas en vadrouille, elle aime s’attabler dans ses restos préférés pour des repas interminables arrosés de vins natures. Déborah travaille actuellement sur différents projets éditoriaux et projette de consacrer ses vieux jours à la confection de fromage de chèvre à la montagne.

Le shopping indispensable de la rentrée

Labyrinth Table

Le sans-alcool, nouveau terrain de jeux des chefs ?

La chicorée c'est pas pour les mémés

Préparer un plateau de fromages parfait

Early June, cave à manger vegan friendly

L'heure du goûter avec Nina Métayer