C’est un endroit comme on les aime, un peu secret. Un hôtel particulier, entouré d’un jardin bucolique riche de sa végétation florissante, d’un bassin parsemé de nénuphars, où des chaises en fer forgé invitent à s’asseoir et à contempler, tout simplement. Et puis Joumana ouvre la porte de son intérieur, maison familiale et galerie. Des livres racontent l’art et la Méditerranée. » Comme l’art a toujours eu, dans ma vie, le même rôle que la cuisine, ce fut comme une évidence : il aurait tout autant sa place dans la maison » souligne-t’elle. Meubles, objets et céramiques sont chinés ou hérités. Deux longues tables de bois et de marbre sont une invitation à partager le repas. D’ordinaire, Joumana propose un dîner à ses convives d’un soir 3 fois par semaine.
La cuisine m’offre la possibilité de m’exprimer, de créer des liens aux autres, de me rattacher à mon histoire. Elle réconcilie mélancolie et joie de vivre, elle me répare et me rend heureuse
Joumana Jacob
Riche de son histoire, Joumana passe la première partie de sa vie entre la France et le Liban. Elle s’installe à Paris, fonde une famille et se tourne vers l’enseignement. Elle choisit d’exercer en ZEP et y restera 15 ans : » j’étais bien placée pour savoir que de nombreuses ressources sommeillent en chacun de nous. J’ai trouvé pendant des années avec ces enfants un écho à mon histoire et c’est par la porte de la créativité que se sont exprimées les libertés « .
C’est en voulant partir à l’écoute et à la rencontre de l’autre que Joumana a vu en la cuisine sa manière à elle de rassembler les gens. Cuisinant pour des évènements occasionnels ou des dîners privés, elle renoue avec ses souvenirs culinaires : les livres de recettes avec lesquels elle a appris à lire, ses premiers plats en cuisine, pour son père, puis pour garder la mémoire des disparus du Liban (suite notamment à la guerre civile – ndlr).
À table à Bordeaux comme à Beyrouth
En 2019, lors d’un passage à Bordeaux elle tombe amoureuse des murs qu’elle occupe aujourd’hui et transforme l’endroit en Maison Joumana. Des feuilles de vigne farcies ou waraa arish ; un bouillon de poulet, gingembre et citronnelle ; du labné sur des rouleaux de poireau ou moucheté de zataar accompagné d’une miche maison servie tiède ; un kafta de veau 5 épices aux shiso ; un taboulé avec persil haché, boulghour croquant et graines de grenade ; de aubergines au four ; une poire pochée aux épices et à la fleur d’oranger, un mouhalabieh au sirop d’hibiscus léger comme une plume… la liste met l’eau à la bouche. Le repas servi varie selon les jours, les inspirations de Joumana. Chaque produit est sourcé localement, dans la région de Bordeaux ou en provenance du Liban (notamment depuis le souk El Tayeb), et tout est fait maison. Elaborée au gré des rencontres avec les vignerons et des recommandations, la carte des vins bénéficie du même soin.
Résidence de chef(fe)s et d’artistes
Tout au long de l’année, Joumana accueille des chef(fe)s et des artistes français ou étrangers afin d’enrichir son menu ou de valoriser de nouvelles pièces d’art, d’échanger des connaissances et des idées. Pour les convives, rencontrer l’artiste ou le chef dans ce cadre permet d’expérimenter un autre rapport aux œuvres, à la culture, à la cuisine et aux mets : une approche plus vivante, plus simple, plus directe. Le chef Téo Barazer est déjà venu partager ses influences vietnamiennes.