Le capitaine et les mamas grecques
Paris-Kalamata pour une virée de printemps quand les cerisiers sont encore en fleurs. Arrivée en ville par l’International Airport Captain Vassilis Constantakopoulos et départ vers ce petit coin de paradis qu’est Costa Navarino, à moins d’une heure de route. Un laps de temps qui nous permettra de nous interroger sur l’identité du fameux capitaine, connu dans la région comme le loup blanc, et ce notamment pour son amour du pays, de la nature et de la bonne chère. C’est justement autour d’un repas typiquement Méssenien qu’on en apprendra davantage sur cet homme. Dans une petite bicoque au charme désuet, en équilibre à flanc de montagne, avec vue sur la mer. Cette histoire nous est contée par des mamans grecques, gardiennes d’une cuisine simple et honnête.
Sur les murs blancs sont suspendus de longs bouquets de sauge qui parfumeraient la salle à manger si Loula n’était pas en train de préparer son poulet à la tomate. Pendant la nuit, le poulet marinait lentement avec de l’ail, de l’oignon, une feuille de laurier et une pointe de couteau de cannelle. Loula le fait revenir dans une large cocotte. De ces cocottes vieillottes dans lesquelles on cuisine toujours les meilleures recettes qui mijoteront pendant de longues heures. Ça sent l’huile d’olive et le basilic que découpe Anna. Cette dernière nous prépare une salade grecque, agrémentée de quelques olives noires. Nous sommes ici chez nous et, comme à la maison, on nous laisse picorer pendant la confection du repas. Un touriste anglais met la table et n’a pas l’air d’être habitué à le faire. Il pose les couverts et les assiettes sur une nappe à carreaux rouges et blancs avant de se servir un verre d’ouzo. Les fenêtres sont grandes ouvertes et laissent passer une fine brise qui fait danser les rideaux. Peu à peu, le soleil décline, avalé par la mer et l’horizon. Il nous offre un spectacle éblouissant qui nous donnera l’impression de n’avoir jamais vu le soleil se coucher avant ce soir. Notre voyage dans la région de Kalamata est nourri de ces petites choses, de ces petits riens qui donnent tout le relief aux souvenirs.
À Kalamata, tout le monde s’accorde à dire que le capitaine Vassilis Constantakopoulos, parti de pas grand chose, a accompli un boulot monstre pour sa région: «Il ne l’a pas fait que pour lui ou pour sa famille, mais pour nous aussi», nous dit-on. On nous dira aussi qu’il était du genre à mettre son grain de sel dans la popote du voisin: qu’il était un conseiller franc, visionnaire et bienveillant. Aujourd’hui, la région compte de plus de plus de touristes et ce notamment grâce au complexe hôtelier luxueux situé en bord de mer et créé par l’ancien marin. Un business lucratif, certes, mais surtout une volonté de dévoiler cette face cachée de la Grèce au reste du monde. Comprenez bien que le capitaine avait déjà un job (un bon, comme il aimait le préciser) et qu’une telle entreprise est un parcours semé d’embûches. Au fil du temps, il a réussi à créer un cercle vertueux entre son affaire et celles de ses voisins. Son hôtel envoyait ses clients découvrir les trésors cachés de la région, faisant ainsi travailler les centres culturels, les restaurateurs ou encore les commerçants. Afin de soutenir les agriculteurs du coin, la cuisine proposée à Costa Navarino est exclusivement locale et met en avant un terroir méconnu qui a bien failli se perdre. La Fondation du Capitaine Vassilis a ainsi entrepris de retrouver des graines de plantes indigènes qui n’étaient plus systématiquement cultivées. Un potager s’est installé tout autour de l’hôtel qui sert notamment au chef Dimitris Melemenis dans l’un des nombreux restaurants de l’hôtel.
Il est temps de se mettre à table. Au menu? Le poulet à la tomate qui nous fait saliver depuis des heures et des hylopites, ces pâtes grecques assez fermes qu’on laisse sécher sur des linges de lin blancs ; elles sont saupoudrées de mytzithra, un fromage sec râpé finement. Le dessert ? Une galopita, un dessert régressif à souhait, un gâteau de semoule au lait parfumé à la vanille et aux zestes de citron. Voilà un repas typique qui rassemble les beaux produits qu’affectionnait particulièrement le capitaine. Loula et Anna l’ont bien connu, il venait déjeuner chez elles régulièrement, jusqu’au jour où il leur proposa d’enseigner la cuisine authentique de Méssénie dans cette petite maison. Aujourd’hui, elles voient défiler de nombreux gourmands du monde entier venant découvrir leur cuisine, une cuisine ménagère de maman grecque.