On s'est infiltrés sur une cueillette de baies de genièvre pour fabriquer du gin

Lové contre l’Ombrie et l’Émilie-Romagne, le cœur vert de l’Italie bat au rythme des cueillettes. Sur les plateaux de Toscane, dans les environs de Caprese Michelangelo, le Saint Graal porte le nom savant de Juniperis communis. Aussi appelé baie de genièvre, le trésor prend la forme d’une bille bleue-prune qui sert à fabriquer le gin. Le temps d’une journée, nous sommes partis à la rencontre de ces glaneurs à la pratique ancestrale.

Enlacée contre la colline, la route n’en finit plus de tournoyer. Une vieille Ford verte nous devance à vive allure. À son bord, Leonello Pastorini, 86 ans bien tassés, et son épouse, 73 ans, se dirigent vers leur lieu de travail. Il faut faire vite : le ciel de coton menace de virer au noir. Quelques minutes plus tard, le couple se gare sur le bas-côté et nous entamons une courte balade sur un terrain verdoyant. Nous apprendrons plus tard qu’en temps normal les deux toscans ne cueillent pas les baies de genièvre à cet endroit-ci. Comme les coins à champignons, les lieux de cueillettes se refilent sous le manteau de génération en génération.

Bien que la pluie s’apprête à nous rendre visite, nous ne sommes pas en Grande-Bretagne. À 873 mètres d’altitude, au beau milieu de la Toscane, on est loin, très loin des paysages que notre imaginaire attribuait jusqu’alors à la fabrication du gin Bombay Sapphire. Le spiritueux chéri par les Anglais – qui en sont les premiers consommateurs européens – est distillé au Royaume-Uni mais son ingrédient principal se ramasse ici, à deux heures de route de Florence.

Du haut de la colline douce, la vue est imprenable. Presque tous les chemins sont bordés de cyprès et d’oliviers. Au sommet des bourgs, on distingue quelques vieilles églises. Leonello et Rita s’approchent des arbustes centenaires qui poussent près des églantiers, munis d’un grand tamis et d’un bâton intriguant. Suspendues aux branches épineuses, les baies de genièvre tendent du bleu foncé au violet. Lorsqu’elles ont cette couleur, elles ont déjà deux ans et sont arrivées à maturité. Il faut donc être patient avec elles : les genévriers ne sont jamais plantés par l’homme, ils poussent naturellement en altitude.

À l’aide du bâton, les deux retraités donnent des coups sur l’arbre, au rythme des coups de tonnerre lointain, pour faire tomber les baies de genièvre dans leur tamis.

À l’aide du bâton, les deux retraités donnent des coups sur l’arbre, au rythme des coups de tonnerre lointain, pour faire tomber les baies. S’ils les coupaient à la main, cela empêcherait la croissance de l’année suivante. Le tamis permet ensuite de se débarrasser de toutes les aiguilles et brindilles. Rita nous invite à écraser une baie entre nos doigts. Plutôt doux bien que légèrement amer, son goût évoque chez nous la choucroute et le pâté. Notre hôtesse, elle, a plutôt l’habitude de le cuisiner avec un vitello – du veau. Pour accompagner la bête, nous croyons l’entendre nous conseiller d’ajouter de l’« aglio ». Elle s’empresse de nous reprendre, amusée : « Surtout pas d’ail non, ‘oglio’, de la bonne huile d’olive, de la genièvre e basta

Depuis toujours, bien avant la retraite, ce couple et sa famille cueillent les baies de genièvre chaque automne. Si l’été n’a pas été assez ensoleillé, il arrive même que la période de récolte tarde jusqu’au mois de décembre. Ils en cueillent chacun 30 kilos par jour. Les baies sont ensuite séchées chez les Pastorini, dans une pièce ventilée et à l’abri du soleil, pour faire disparaître l’humidité et les empêcher de pourrir. Ils les vendent à une coopérative ou à un négociant, parmi lesquels on retrouve le fournisseur de Bombay Sapphire.

Créée en 1761 par Thomas Dakin, la recette du gin à la bouteille bleue exige des baies de genièvre d’une grande qualité. Les arbustes de Toscane ont le mérite d’être dépourvus de pesticides. C’est ce que nous explique Ivano Tonutti, le maître botaniste de la marque depuis près de 30 ans. Si son laboratoire est installé à Genève, lui et son assistant Alessandro ont pour habitude d’arpenter la région afin d’échanger avec Leonello et les 200 autres familles qui travaillent pour eux. « Les Pastorini maîtrisent ce savoir-faire, on n’a pas à les guider, » raconte le docteur en pharmacie, confiant. « D’ailleurs, en Toscane, une poignée de main avec un producteur local a valeur de contrat.» Pour 5 ans, 10 ans,
ou même 20 ans dans le cas des Pastorini. Quand Rita et Leonello arrêteront la cueillette, leur fils, garde-forestier, prendra sans doute
la relève. C’est comme ça que la tradition se transmet depuis des siècles.

En tout, 50 tonnes de baies de genièvre sont récoltées chaque année pour la seule production de ce gin. Chaque famille conserve chez elle une réserve de sécurité au cas où certaines baies présentent un problème au cours du processus.

En fin de matinée, l’orage éclate et le couple se dépêche d’aller se mettre à l’abri. Nous les quittons pour prendre la direction du village de Caprese qui a vu naître le peintre Michelangelo. Après un bon repas à la ferme Terra di Michelangelo, l’herboriste en chef nous dévoile les secrets de fabrication de cet alcool blanc autour d’un espresso et de quelques cantucci, de régalants biscuits secs aux amandes. « En tout, 50 tonnes de baies de genièvre sont récoltées chaque année pour la seule production de ce gin. Chaque famille conserve chez elle une réserve de sécurité au cas où certaines baies présentent un problème au cours du processus.»

Une fois les baies séchées par les cueilleurs, elles sont triées par taille et par couleur chez un fournisseur puis mises en sac, au frais. Elles sont ensuite envoyées au laboratoire de Genève et chaque lot est ré-échantillonné. Les baies passent au microscope pour vérifier qu’aucun insecte n’est venu prendre sa part du butin. Une foultitude d’analyses plus tard, Ivano et son équipe dégustent le macérat et hument son parfum. Le résultat est noté et les lots sont mélangés entre eux afin d’assurer l’équilibre en bouteille.

La recette finale atterrit à Laverstock, dans le panier perforé d’un distillateur, aux côtés d’un peu de coriandre marocaine. Dans les autres paniers se blottissent huit herbes supplémentaires qui composent le Bombay. De la baie de cubèbe javanaise, des graines de paradis ghanéennes, des écorces de citrons espagnols, de l’essence de cassier vietnamien, de la réglisse chinoise, de la racine d’angélique, de la racine d’iris et de l’amande amère. L’eau et l’alcool se mettent à chauffer, s’évaporent et passent à travers les différents paniers. Six heures plus tard, le distillat est condensé puis laissé au repos pendant deux jours. «Cette distillation par la vapeur permet d’avoir un profil aromatique beaucoup plus riche et raffiné», ajoute Ivano. Selon lui, chaque herbe se distingue en bouche, au-delà de la seule genièvre.

Et si ce spiritueux se sirote depuis le 18è siècle, sa production pourrait bien être menacée par le changement climatique dans les années à venir. Les ouragans, les canicules et la surexploitation des sols inquiètent Ivano. « C’est pour ça qu’on a entamé des projets de développement durable à notre échelle. On ne va pas changer le monde mais en 10 ans on a réduit de moitié la quantité d’eau qu’on utilise. Aussi bien en bouteille que dans le nettoyage.» Au Vietnam, retirer l’écorce du cassier pour en extraire les essences entraîne la mort de l’arbre. Les producteurs replantent donc le nombre exact d’arbres coupés. Au Ghana, Bombay s’est associé à une ONG locale pour enseigner les techniques de l’agriculture moderne aux habitants et permettre la récolte de graines de paradis. L’entreprise recycle aussi ses déchets à 100% et tente de réduire les cartons et les plastiques au maximum. Une goutte d’eau dans l’océan d’une fabrication énergivore mais on peut espérer que cet engagement éco-responsable ne cessera jamais de croître. Salute !

En collaboration avec
Bombay Sapphire
Our spirit of innovation and inspiration is not only embodied in our gin, but in our Master of Botanicals himself, Ivano Tonutti. Travelling to the four corners of the world, he’s developed personal relationships with each and every supplier, some going back decades. As Ivano himself says, this absolute attention to detail is “simply about maintaining the standard of care behind our gin”.
www.bombaysapphire.com
Journaliste
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Hélène Rocco
Hélène est journaliste lifestyle. Amoureuse des voyages, elle est aussi accro à la bonne cuisine et donnerait sa mère pour du fromage de brebis.
Photographe
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Anne-Claire Héraud
Anne-Claire est une photo-reporter culinaire engagée qui s'immisce dans le quotidien des protagonistes d'une alimentation durable pour en tirer leur portrait.

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