Dans un quartier où défilent les salarymen sont installés quelques hôtels de luxe comme l’hôtel Aman, le Bulgari, le Mandarin Oriental ou le plus nippon d’entre tous où l’on s’apprête à passer deux nuits. Le bâtiment est encerclé d’une structure métallique style moucharabieh, permettant de voir sans être vu. De loin, on ne voit qu’un bâtiment sombre, c’est en s’approchant que se dévoilent ses atours inspirés d’un motif de kimono datant de l’époque Edo. Dans le lobby, une dame en kimono nous prie de nous déchausser, avant d’arpenter les différents étages dont le sol est recouvert de tatami. Le voyage débute ici. Dans l’ascenseur retentit le tsuke, un effet sonore extrait du kabuki, théâtre traditionnel japonais. Avant de découvrir notre chambre, un bol thé ainsi qu’une pâtisserie wagashi nous sont servis à la réception tandis qu’un musicien joue du koto (une harpe japonaise, ndlr).
À Tokyo, c’est le seul hôtel doté d’un onsen, la source d’eau chaude est pompée à plus de1500 mètres de profondeur. Situé au dernier étage, l’espace s’ouvre sur une première salle couverte de marbre noir. Il faut passer un petit couloir pour atteindre la partie à ciel ouvert où contempler les étoiles une fois la nuit tombée. Après le bain, il est coutume de boire un amazake, un lait de riz fermenté légèrement sucré, avant de frotter ses poignets de zuko, un encens japonais fait à partir de bois de santal. Dans la culture japonaise, cette méthode permet de purifier le corps avant le coucher.
L’hôtel a été imaginé par le designer Rye Azuma qui a notamment travaillé pour les hôtels du groupe HOSHINO Resorts au Japon, Taïwan ou Bali. Sa vision de la beauté et du luxe s’éloigne de tout ce qui est superflu et fastueux. En d’autres termes, sa philosophie s’inspire largement du wabi-sabi. Aux abords des 83 chambres et à chaque étage, il y a un salon commun où disposer de rafraîchissements et d’encas selon le moment de la journée. Au Japon et donc chez HOSHINOYA, la gastronomie tient un rôle prépondérant. Chaque jour, le petit-déjeuner nous est servi en chambre dans sa forme la plus rafinée. Au sous-sol, le restaurant de l’hôtel propose un menu kaiseki (une cuisine inspirée des saisons, ndlr) en huit étapes. Même sans séjourner à l’hôtel, une réservation (à prévoir en amont du voyage, car le restaurant ne dispose que d’une dizaine de tables) permet de s’immerger dans la culture sans se mouiller la nuque. Pour accompagner le repas, on opte pour du saké ou du vin japonais, comme le pétillant naturel Blanc sans souffre de chez Takada Winery.
Les clients de l’hôtel sont régulièrement invités à participer à la cérémonie du thé. Si la discipline importée de Chine par Sen no Rikyu est chose commune pour les touristes qui se rendent au Pays du Soleil Levant, on nous permet ici de le déguster, avant d’apprendre à le servir dans les règles de l’art. La maîtresse de thé fouette le matcha de Kyoto grâce à son chasen en bambou, après nous avoir offert des ohigashi (bonbons japonais réalisés à partir de sucre wasanbon) qui permettront de contrebalancer l’amertume du thé. Le matcha se déguste sous sa forme Koitcha (la version la plus formelle, le thé est servi épais comme un potage) ou Sucha (la version la plus commune), avant d’être versé dans un bol décoré pour exprimer la saison. Traditionnellement, on tend le bol avec la plus belle illustration tournée vers ses convives qui le feront tourner d’un quart de tour à chaque gorgée, afin que tout le monde puisse en profiter. La main droite est déposée sur le côté et la main gauche sur le dessous lorsqu’on déguste son thé en 4 ou 5 fois, avant une ultime gorgée sonore ! La cérémonie s’achève sur une phrase qui prend des airs de mantra : 一期一会, ichigo ichie ou l’idée que chaque moment de vie est unique.