Comment t’est venue l’idée de proposer une option végane à certains plats de vos cartes ?
Dès l’ouverture du restaurant, Camille et Victor ont souhaité une offre qui puisse convenir à tous. De mon côté, beaucoup d’amis végans m’ont fait part de leur difficulté à trouver une table où l’on mange bien de l’entrée au dessert. Si l’offre grandit petit à petit dans des villes comme à Paris, la tâche se complique lorsque l’on veut diner avec des amis sans avoir à imposer ses choix alimentaires à tous. Ici, sur les 6 à 7 plats proposés à la carte, il y a toujours une ou deux options véganes ou véganisables marquées d’un astérisque ou de deux pour le sans gluten et sans lactose.
Peux-tu nous donner quelques exemples ?
Précédemment nous proposions un tartare de betterave, noisettes du Piémont, câpres d’ail des ours, fleurs de moutarde et échalotes frites. Au lieu de l’accompagner d’une mayonnaise montée avec du blanc d’oeuf, je l’ai arrangée avec une moutarde à l’huile de tournesol et du vinaigre de banyuls. Pour le velouté de topinambours, pleurotes marinées, chips de topinambour et parmesan, je retirais le fromage. Côté dessert, le cheesecake au sésame noir avait également son alternative chocolat et tahini.
Cela demande une préparation particulière avant chaque soir j’imagine…
Pour une expérience gustative optimale tout est mis en place dans l’après-midi. Même si quelques clients nous font part de leur demande en amont, nous avons toujours des éléments frais en cuisine afin d’y répondre au mieux. En hiver par exemple, il sera moins aisé de revoir certains plats à la dernière minute lorsque l’on a des aliments comme la courge, nécessitant plus d’une heure de cuisson… Récemment j’ai servi une salade de fenouil et de mandarine n’étant pas à la carte à une personne assise à une table de plusieurs, certains, intrigués, m’ont demandé s’il était possible d’avoir la même chose.
Cette double conception des plats a-t-elle changé ton approche de la cuisine ?
Oui, quand je fais de la purée par exemple, au lieu d’y mettre du beurre, je vais me demander si la préparer avec de l’huile d’olive changerait beaucoup gustativement. En tant que cheffe, l’important reste de proposer des plats qui fassent sens. J’expérimente aussi à l’occasion des privatisations dont je vais intégrer quelques éléments de ces diners à la carte du soir. Le fait d’officier en cuisine ouverte m’oblige également à me questionner sur la cuisson des aliments afin d’éviter les odeurs de graisse comme la friture par exemple. Côté ambiance, ça donne une autre dimension à l’accueil. On est totalement pris dans le tourbillon de la soirée. On voit les réactions à l’arrivée des plats, on entends les rires, les verres qui tombent… C’est une volonté de transparence également.
D’où proviennent vos produits ?
70 % des produits proviennent de chez Terroirs d’Avenir, on essaye d’être en respect total avec la traçabilité des aliments. Le bouillon de boeuf aux 5 épices accompagnant les nouilles de rutabaga est mijoté avec de la joue de boeuf, de la moelle de boeuf et de la queue de boeuf provenant toutes d’une coopérative du Pays Basque. Notre miel, c’est celui des Cadres Noirs Percherons, qui d’ailleurs serait l’un des seuls reconnus par la communauté végane de par sa production artisanale en accord avec la préservation des abeilles. Les 30 % restants proviennent des commerces de proximité dont nous partageons les mêmes valeurs. Taka & Vermo pour le fromage, Sain pour le pain, Coutume pour le café et Biocoop de temps à autre.
As-tu des idées de plats végans à concocter facilement chez soi ?
Le houmous, j’ai beaucoup de pois-chiche en boite à la maison, c’est hyper nourrissant. Le chou rouge émincé avec quelques zestes de citron également. Sinon, on trouve pas mal de chou chinois chez Terroirs d’Avenir en ce moment, on peut en faire un kimchi par exemple.
Comment es-tu arrivée à la gastronomie ?
Je suis passée par la musique avant d’entamer une formation de barista chez Mokxa à Lyon il y a 7 ans. Là ça été le déclic. J’ai donc poursuivi dans la voie de la restauration en enchainant dans un bar à vins naturels à Paris, les Deux Cygnes, où ils m’ont notamment laissé faire de la préparation. S’en est suivi un CAP cuisine, puis j’ai frappé à la porte du restaurant Hero, dont le chef de l’époque m’avait prise sous son aile. Je n’ai pas cuisiné avec ma grand-mère étant petite, je n’ai pas non plus le souvenir d’une pomme chaude dans laquelle j’aurais croqué puis eu une révélation. Ça a été un cheminement logique suite à de nombreuses rencontres qui m’ont menée aux fourneaux de Dersou, de Mary Celeste et de ceux derrière lesquels je me retrouve aujourd’hui en tant que cheffe.