Si l’on sait qu’être une femme est un handicap, si l’on sait qu’être issu.e d’une minorité raciale est un handicap, on sait moins qu’être issu.e d’une minorité sexuelle en est un également. Le sujet peine à arriver sur la table mais certain.e.s chef.fe.s, cuisinier.e.s, ainsi que des critiques gastronomiques n’hésitent pas à mettre les pieds dans le plat afin qu’on en finisse avec l’invisibilisation d’une communauté qui souhaite elle aussi se faire entendre.
Les maux des mots
« Ici on n’est plus chez les pédés, on fait de la vraie cuisine ». Cette phrase, on a du mal à la digérer. Le chef Éric Guérin aussi. La toque française qui a propulsé sa table parmi les étoilées du petit livre rouge de la haute gastronomie, n’est pas le premier à relever cette invective problématique entendue dans la bouche de grandes toques.
« Cuisine de pédé » c’est l’insulte suprême proférée à l’égard d’un plat jugé trop décoratif ou trop faible. Il y a une connotation sexuelle renvoyant aux stéréotypes homophobes accolés aux gays
Andrea Petrini, critique gastronomique
« C’est l’insulte suprême proférée à l’égard d’un plat jugé trop décoratif ou trop faible. Il y a une connotation sexuelle renvoyant aux stéréotypes homophobes accolés aux gays », analyse le critique gastronomique Andrea Petrini. « Historiquement, la cuisine c’est un métier de mec à l’organisation militaire. Auguste Escoffier (celui qu’on surnomme le roi des cuisiniers, le cuisinier des rois, ndlr) disait que pour être un bon cuisinier il fallait être un bon militaire qui sache exécuter les ordres. La violence qui sévit c’est celle du pouvoir à laquelle on répond “oui chef !” », continue-t-il.