Je ne sais pas vous, mais moi tous les lundis, je lis mes horoscopes. Oui, au pluriel. Je commence par celui de Refinery29 dont j’aime l’esthétique et qui aide à comprendre et gérer son rapport aux planètes, j’enchaîne avec celui de Broadly, plus concis. Parfois, je m’aventure sur celui de W magazine pensé par les AstroPoet et d’autres fois, je consulte celui de Robert Brezsny du Courrier International. Je dois avouer l’aimer un peu moins, beaucoup trop obscur à mon goût. Cette passion pour l’astrologie n’est pourtant pas récente. Petite, déjà, je lisais tout ce que je pouvais sur le sujet et notamment sur mon propre signe astrologique : le gémeau. Je m’interrogeais sur l’impact que notre naissance peut avoir sur nos comportements (bah ouais) et tout au long de nos vies. Rapidement, j’ai commencé à tirer les cartes, d’abord au tarot de Marseille puis avec un jeu iranien. Ce que j’aime, que ce soit dans l’astrologie ou même dans le tirage de cartes, c’est décrypter la symbolique. Ce n’est pas lire dans l’avenir ou penser qu’on va savoir ce qui va nous arriver point par point. Il n’y a donc en cela rien d’ésotérique. Au contraire, c’est revenir à quelque chose de plus spirituel, plus primal. C’est se faire confiance, parce qu’après tout, on sait déjà ce qui est bon ou mauvais pour nous.
Trouver son — féminin sacré — c’est être à l’aise avec sa sexualité, ne pas se sentir ou se mettre en compétition avec d’autres femmes, ne pas rejeter ses qualités féminines et les opposer à l’idée de pouvoir et mieux encore, les cultiver…
Dernièrement, on a vu beaucoup de monde suivre la révolution des planètes et s’intéresser à l’impact qu’elles peuvent avoir sur nos vies. À l’heure où j’écris ce texte, Mercure est en pleine rétrograde et c’est un sujet récurrent au boulot. Qui a loupé son arrêt de métro 3 fois ? Qui est resté bloqué dans le RER ? Qui a cassé le téléphone qu’il/elle venait d’acheter ? Qui met 15 minutes à écrire un mail qui en prend habituellement 3 ? On discute, on suppose, on s’inquiète de ce que nous réservent les 3 prochaines semaines. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que très peu de membres de notre équipe se définiraient comme mystiques. Alors qu’est-ce qui nous pousse à chercher et à croire en ces signes ? Serait-ce l’instabilité, notamment politique, du monde dans lequel nous vivons qui nous pousse à vouloir en savoir plus sur ce que l’avenir nous réserve? « Tout au long de l’histoire, nous avons constaté qu’en période d’incertitude et de troubles politiques, on se tournait vers la spiritualité et l’étude de l’occultisme. Lorsque le monde extérieur se sent chaotique et incontrôlable, nous recherchons l’équilibre et l’autonomisation. L’occulte détient ces clés », confiait au magazine Allure la liseuse de tarot Sarah Potter.
Si l’on s’intéresse à l’astrologie, aux arts divinatoires, aux rituels et aux sorts ou bien qu’on commence à envahir son espace de cristaux et de pierres pour leurs propriétés et leur impact sur nos signes, il semble clair qu’on cherche une réponse, à se recentrer pour vivre mieux dans le monde. C’est du moins l’avis de Marion Thelliez et de Laura Wencker, les fondatrices de Moonrise Journal. Depuis 2016, elles mettent en place des ateliers et des retraites à destination des femmes. « Moonrise est née suite à plusieurs événements », commence à m’expliquer au téléphone Marion Thelliez, « J’avais des problèmes avec la notion de féminin et j’ai réalisé que j’avais beaucoup de surmoi avec les femmes. À l’époque, j’étais déjà naturopathe et j’organisais des retraites autour de la nutrition, mais je voulais dédier mon temps au féminin ». Pour les deux femmes, l’objectif de leur pratique est donc la guérison de soi, d’un mal-être qu’on ne peut nommer, d’une perte de repères. Marion Thelliez : « C’est la raison pour laquelle le chamanisme est une part importante de notre process. On cherche à se sentir mieux en tant que femme, mais aussi dans la société. La nature occupe donc une place centrale ». En toute honnêteté, pour toute personne non-initiée, jeter un œil sur leur compte Instagram peut interroger, voire provoquer des roulements d’yeux. Couronnes de fleurs, visages peints, tambours et robes blanches, ce revival d’une esthétique new-age à la 70’s peut fortement refroidir. « On nous accuse souvent d’être des bobos qui font ça pour l’esthétique, le paraître », concède Marion Thelliez, « mais je demanderais aux gens d’essayer avant d’émettre des critiques. Notre but n’est pas de convaincre tout le monde, il y a plein de manières de changer le monde dans lequel on vit. Celle-ci est la nôtre ».
Il est intéressant de voir que ce sont surtout des femmes qui sont les auteures de projets de ce type, de la même manière qu’elles sont celles qui semblent y trouver le plus de réconfort. Il est vrai que la plupart des magazines féminins nous ont sensibilisés très tôt à ce sujet puisque tous proposent ne serait-ce qu’un horoscope en début ou fin de pages. Mais ce n’est pas la seule explication. Autour de moi, mais aussi partout sur les réseaux sociaux, de nombreuses femmes semblent renouer à une idée ancestrale de la spiritualité. Une recherche de ce que les femmes de Moonrise Journal, mais aussi bien d’autres, appellent : le féminin sacré. Trouver son « féminin sacré », c’est être à l’aise avec sa sexualité, ne pas se sentir ou se mettre en compétition avec d’autres femmes, ne pas rejeter ses qualités féminines et les opposer à l’idée de pouvoir et mieux encore, les cultiver, se soucier de son impact sur le monde, vivre en dehors du prisme masculin en ce qui concerne son corps, accepter d’évoluer… « Les femmes qui nous contactent nous parlent de mal-être transgénérationnel, de karma, d’une envie de soigner leur lignée et les blessures du passé. Elles veulent transmettre, prendre du temps pour elle, se reconstruire », relate Marion Thelliez. Du coup, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle entre le retour de ce mysticisme et la prépondérance des discours féministes à l’heure actuelle. Somme toute, cette quête d’un renouveau spirituel, d’une féminité politique et sociale assumée n’a qu’un seul objectif : permettre aux femmes de récupérer leur pouvoir. Qui dit mieux ?