Destination Hello Birds 

 

Texte : Hélène Rocco
Photos : Rémi Golinelli Absolt / Izberg

Article extrait de Mint #17

Il y a d’abord Étretat et ses célèbres falaises en toile de fond. Chaque été depuis six ans, c’est la Côte d’Albâtre toute entière qui se révèle au son d’une pop envoûtante. À l’automne, il y a aussi Saint-Malo, la cour de son château et les huîtres de Cancale. Hello Birds est plus qu’un festival de musique, c’est une ode au terroir et l’invention d’une nouvelle forme de tourisme culturel qui ne jure que par une seule tête d’affiche, qu’importe l’édition : la destination en elle-même. 

La plage de galets court jusqu’à la majestueuse falaise d’Aval et son illustre arche. Derrière elle, submergée par les flots, on devine l’Aiguille, 71 mètres de haut. Depuis toujours, les touristes se pressent à Étretat pour admirer ce paysage grandiose. Un petit tour et puis s’en vont … sauf au mois de juillet où, pendant trois jours, un enfant du pays profite de cet écrin pour faire onduler les corps. Lui, c’est Emmanuel Brochec, l’un des fondateurs du festival Hello Birds. Il a passé son enfance entre Étretat – où ses parents vivent encore – et le Havre et a pris l’habitude, en grandissant, d’y faire la fête chaque été avec ses amis, dans la grande maison de l’une des membres de la bande. Les années ont passé et la maison ne pouvait plus accueillir un nombre d’invités toujours grandissant. Et s’ils lançaient plutôt leur propre festival ? Après des échanges avec la ville, l’idée fait son chemin.

Emmanuel, Séverin Mérad, Julien Sorrenti et François Vasseur adorent Étretat et sont sûrs d’une chose : ils laisseront une grande place à la nature. Leur philosophie est simple. Si la musique permettra de déplacer les foules, les balades et la gastronomie donneront au public l’envie de revenir à Étretat. Les organisateurs tiennent à prendre le contrepied des grands festivals en offrant aux visiteurs la crème des groupes indés modernes gratuitement et sur fond de carte postale. Reste à trouver un nom et puisque « Rock en Seine » est déjà pris et que « Calva on the rock » pourrait être taxé de plagiat, c’est finalement le vol incessant des mouettes au-dessus des falaises qui remporte tous les suffrages. Un salut amical aux oiseaux d’Etretat donne donc naissance à Hello Birds.

Encore faut-il financer le projet. Par chance, la promesse d’une nouvelle forme de tourisme culturel fait mouche et une campagne de financement participatif plus tard, la première édition du micro-festival peut voir le jour. Le 20 juillet 2013, le pays de Caux en Haute-Normandie accueille enfin Hello Birds. Dans les oreilles, de la sea pop, un genre musical inventé par les organisateurs pour décrire une musique que l’on écoute avec plaisir face à la mer. Très convivial, le programme du lancement mêle entre autres tournoi de pétanque, dégustation de crevettes, concert de Rocky – un groupe lillois – et sons mélancoliques de Pégase. Cinq heures de concerts ce jour-là et de nombreux bénévoles locaux auront suffi à transformer l’essai : bains de mer et musique entraînante font visiblement bon ménage car le succès est au rendez-vous.

En 2014, place à une nouvelle édition avec un nombre de festivaliers croissant et la même recette réussie pour participer au dynamisme de la ville, valoriser le territoire et les acteurs régionaux, avec le soutien de la mairie et du département. Thibaud Vanhooland, aujourd’hui connu sous le nom de Voyou, est à l’époque le bassiste du groupe Pégase. Comme le public, le chanteur multi-instrumentiste à la pop joyeuse a été frappé par le décor hors du commun : « C’était la première fois que j’étais sur scène face à l’océan, et avec ces falaises magnifiques qui veillaient sur nous de chaque côté, je me suis tout de suite senti bien. Je crois que le public et les gens sur scène aussi. Ça apporte une atmosphère incroyable au moment, ça le rend hors du temps et assez magique.» Il confie s’être senti sur la plage du Perrey comme à la maison. « Et comme il y a des concerts à des endroits différents de la ville, tu te balades. Tu vas te baigner, tu fais la fête au Casino le soir, tu montes sur les falaises pour aller écouter de la musique dans une chapelle … ça donne un vrai goût de vacances, et ça donne envie d’y revenir en week-end.» Car c’est la force d’Hello Birds : la découverte du festival passe par les déambulations à travers la station balnéaire. 

Etienne Choteau, de l’agence événementielle Bon Esprit qui s’est alliée à Hello Birds, a tout de suite été charmé par le concept. « Je ne connaissais pas du tout Étretat. Emmanuel nous a invité chez ses parents, on a mangé des huîtres et son père nous a emmené en balade. J’ai tout de suite accroché avec la ville et ses habitants.» Il s’amuse de l’improbabilité des soirées – payantes afin de financer le festival – au Casino, décoré de moquette rouge et de lambris. Après s’être déhanchés sur le dancefloor feutré, « les festivaliers jouent même sur les machines.» Depuis quelques années, l’autre soirée se déroule au Donjon, pour une pool party avec vue sur la baie, au son de dj sets solaires. Bien loin des salles de concerts étouffantes, Hello Birds est une bouffée d’air marin. Pas de programme fixe ni d’obligations : on organise ses journées comme on en a envie. 

Au fil des éditions, les activités sportives – accessibles en contrepartie de donations d’un montant libre – se sont développées et changent tous les ans. Les plus motivés peuvent par exemple courir à flanc de falaise pendant 8,5 kilomètres, à condition de sillonner entre les vaches normandes. Les fous de la pédale peuvent, quant à eux, rouler cheveux au vent pendant 90 kilomètres – avec repas à mi-parcours tout de même. Quant aux âmes vagabondes, libres à elles d’aller flâner dans la nature, accompagnées par un Étretatais lors des balades à thème autour de l’impressionnisme ou encore de la faune et de la flore. Le tout suivi d’une dégustation d’huîtres avec cidre et cocktails normand bien sûr.

Au même titre que la musique et la nature, la cuisine est un pilier majeur du festival. Pour régaler les milliers de visiteurs venus de plus ou moins loin, les organisateurs ont choisi de faire appel au réseau de restaurateurs solidaires Ernest, très soucieux d’entretenir les circuits courts et à l’origine du financement de programmes alimentaires en France. Les spécialités proposées sont sélectionnées avec soin auprès de producteurs locaux. Tous les étés, la combinaison gagnante est inchangée : du camembert rôti au miel, des huîtres et des bolées de cidre pour arroser tout ça. Preuve que la gastronomie n’est pas laissée pour compte : «Si les têtes d’affiches sont encore musicales, on aimerait à terme qu’un chef fasse venir autant de monde qu’un musicien.» espère Etienne Choteau. En attendant, les chefs sont déjà annoncés sur le programme. L’été dernier, pour la première fois, une soirée barbecue a été imaginée le vendredi par le chef itinérant Clément Duport pour mettre en valeur le terroir normand. Le dimanche, un banquet a été concocté par Olivier Da Silva, le chef du restaurant étoilé l’Odas à Rouen. Dans les jardins du Petit Val, une immense table a été dressée et ornée de bouquets de fleurs fraîches pour un repas bucolique dont les bénéfices ont été versés au centre d’action sociale d’Étretat. Les convives ont ainsi pu se régaler en entrée d’une focaccia accompagnée de lieu jaune normand et de quelques légumes confits des maraîchers du coin. Du maquereau à la flamme a ensuite fait son apparition aux côtés d’un chou-fleur au citron bio et au sésame avant que ne débarque du magret de la ferme des Sapins – située à Yport – et ses carottes croquantes. En dessert, la pêche pochée était flanquée d’un crumble à la vanille. Pas étonnant que les festivaliers souhaitent toujours remettre le couvert l’année suivante.

À près de 300 kilomètres de là à l’automne, la troisième édition du festival de Saint-Malo s’est lancée dans la cour du château. Une nouvelle étape pour Hello Birds qui conserve le même crédo qu’en Normandie : sport, gastronomie, art et musique au service d’une destination. «À l’origine de ce deuxième projet, on retrouve une histoire de potes. Un copain était de Saint-Malo et nous a proposé d’organiser une édition malouine. Les deux villes ont les pieds dans l’eau, on pouvait conserver le même esprit», raconte Etienne. Lovée sur la Côte d’Émeraude, la ville est propice au tourisme culturel. Courses à pied, tournoi de raquettes de plage et galettes saucisse au beurre Bordier viennent accompagner les concerts de Chassol, Muddy Monk ou encore Kiddy Smile. Et si le Havre venait s’ajouter à la liste des destinations hello birdiennes ? En juillet dernier, une soirée de pré-ouverture a été organisée le jeudi soir précédent le festival sur le parvis du restaurant la Colombe Niemeyer. Puisqu’Étretat appartient désormais à la communauté urbaine havraise,tout laisse à penser que les balades, banquets et autres concerts vont se développer au fil des ans dans cette troisième cité océane. Après tout, quand il s’agit d’Hello Birds, la mer n’est jamais très loin. 

Hello Birds Étretat — du 3 au 5 juillet 2020

Pour en savoir plus sur les événements à venir : Hello Birds Festival

 

 

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