Danses andalouses
Le visage de la danseuse se ferme, elle se met à battre le sol de plus en plus vite. D’une main, elle soulève les volants de sa robe et laisse entrevoir le mouvement frénétique de ses jambes. Enfin, le danseur Oscar de Los Reyes la retrouve sur les planches. Le chant change de couleur laissant place à des notes plus lumineuses. Ensemble, ils dansent de plus en plus vite et battent le sol de plus en plus fort si bien que la salle entière vibre au rythme de leur pas. Des cris d’encouragements sont jetés des quatre coins de la scène, le guitariste et le chanteur posent leurs dernières notes avant de s’exclamer en coeur : «¡Olé !»
Quand avez-vous commencé la danse ?
J’ai commencé à l’âge de 5 ans. Je viens d’une famille où l’on fait du théâtre et où on joue de la guitare. À 3 ans, je demandais déjà à apprendre le fandango, pour moi c’était naturel. Aussi loin que je me souvienne, danser a toujours été un jeu pour moi : les autres enfants jouaient entre eux et moi je voulais danser.
À quel moment est-ce devenu plus qu’un passe-temps ?
Le flamenco a toujours eu une place prédominante dans ma vie. À 16 ans j’ai participé à un casting pour un tablao, c’est-à-dire un théâtre pour flamenco, mes parents m’ont donné leur accord et j’ai commencé à danser au Patio Sevillano.
Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?
Le contact avec le public. Pour moi cet art est comme un exutoire. J’ai ce trop plein d’énergie, des choses qui viennent de ma propre vie avec mes joies, mes peines, mes craintes, ma colère et mes espérances. Je les partage lorsque je danse.
On a le sentiment que le flamenco est une danse passionnée, vous dites qu’on peut y exprimer plus de contraste ?
Oui bien-sûr, on peut faire une danse romantique, brûlante ou quelque chose entre les deux. Il existe peut-être 500 styles différents avec un panel d’émotions très large. C’est une danse de sentiments, où chaque personne perçoit des teintes différentes.
Comment un couple de danseurs trouve l’harmonie ?
Souvent c’est un miracle. Je dirais qu’il y a une connexion, on se comprend en un regard. Une danseuse a besoin d’espace pour exprimer sa féminité. Il faut savoir laisser de l’espace à l’autre, créer des respirations pour exprimer sa force, sa passion et sa vulnérabilité parfois dans le flamenco.
Il faut savoir que tout est improvisation dans le flamenco, comment collez-vous à l’histoire chantée ?
En effet il n’y a pas de paroles écrites, vous n’en trouverez pas. La mélodie peut nous être familière mais le chanteur est complètement libre. Les danseurs se doivent de revêtir un costume pour coller au mieux à la musique en étant les plus expressifs possible. C’est un exercice compliqué, je suis incapable de danser quand je traverse des moments difficiles.
Est-ce qu’il y a des morceaux plus difficile à incarner ?
Oui bien-sûr. Je me souviens d’un jour chez Los Gaillos à Séville où je devais interpréter la Solea. Cet endroit est un vrai tremplin pour les artistes et au beau milieu du morceau je me suis retrouvée pétrifiée de peur. J’ai été incapable de danser, je crois que je ne me sentais pas à la hauteur de cette danse et je suis sortie de scène. Après cet épisode, j’ai passé trois années sans danser.
Combien d’heures vous entraînez-vous par jour ?
Je m’entraîne deux heures par jour et j’enseigne la danse à des plus jeunes, amateurs ou confirmés. J’apprends encore beaucoup sur le flamenco, notamment au niveau du regard.
Quelle est la plus grande difficulté de vos élèves dans l’apprentissage du flamenco ?
Le compas, pour faire simple : le rythme. C’est très difficile à enseigner puisque c’est quelque chose de très organique, ça se ressent et il faut beaucoup d’écoute pour que cela devienne naturel. Le flamenco demande énormément de volonté, d’envie, de force et d’investissement.