Cuisinons dans les bois

Nous avons demandé à deux anciens Éclaireurs, spécialistes de la cuisine scoute, de nous dévoiler tous leurs secrets pour, qu’à votre tour, vous puissiez partir pocher un poisson en pleine nature.

En pleine forêt, les feuilles craquent sous la douzaine de petits pieds. Encore épuisée de sa sortie kayak, la troupe de scouts rentre au camp, affamée. Il lui faudra encore attendre avant de se régaler car maintenir un feu assez longtemps pour y mitonner un bon petit plat peut s’avérer être une tâche fastidieuse. Après plusieurs heures de préparation, les scouts pourront enfin déguster une cuisine simple et nourrissante.

Christine Conners et Simon Carter ne se connaissent pas. Christine vit sur le Chemin des crêtes du Pacifique en Californie, l’autre dans un petit village de la région londonienne. Elle a découvert la cuisine scout enfant et y est revenue après avoir écrit un ouvrage sur les recettes des randonneurs. Lui n’a jamais tourné le dos à sa passion pour la nature : il est scout depuis plus de 40 ans et chef scout volontaire depuis 11 ans. Leur point commun : devoir confectionner des repas pour des troupes d’Éclaireurs. Après une longue marche, on a tous son petit péché mignon, ce casse-croûte un peu honteux que l’on n’assumerait pas en temps normal. Simon Carter avoue qu’il a lui aussi un plat fétiche, pas très gourmet. Boyscout, il est parti quatre jours en randonnée avec sa troupe. Épuisé, il a dégusté des nouilles instantanées au curry comme s’il s’agissait du mets le plus délicat au monde. De ce bon souvenir, il a retenu une chose: la cuisine scout doit être simple, nourrissante et réconfortante. Même constat pour Christine Conners et son mari Tim, à l’origine du livre The Scout’s Campfire Cookbook for kids (en français, La Cuisine scout au feu de bois pour les enfants). Son dîner préféré autour d’un feu de camp ? « Le pudding aux oignons sautés et au gruyère, pas très sexy mais délicieux ».

Scouts, toujours prêts … à cuisiner

Sur leur veste, les jeunes Éclaireurs américains affichent fièrement une multitude d’insignes colorés. L’un d’eux attire l’attention des amateurs de bonne chère. Il s’agit d’un macaron orange représentant une toque, une fourchette, un couteau et une cuillère: le badge du mérite en cuisine. Essentiel pour devenir Louveteau, il certifie qu’un scout est capable de cuisiner chez lui comme en pleine nature. La tradition date de 1911 et ne s’est jamais perdue. Cuissons en papillote, sur le grill, au feu de bois,
à la poêle et au faitout sont autant de méthodes qu’il doit savoir maîtriser pour être paré à toutes les situations.


Il y a de nombreuses manières de cuisiner dans la nature. Cela dépend de la distance à laquelle on est de la civilisation.

Christine Conners.

En randonnée, il est important d’avoir de la nourriture Chamallows trempés dans le chocolat et les flocons de noix de coco cuits au dessus du feu, tortillas au beurre de cacahuète et biscuits à la cannelle recouverts de chantilly sont très populaires chez les jeunes Éclaireurs. Découverte déshydratée et de porter un sac à dos assez léger. Pour les expéditions en canoë, les enfants peuvent apporter plus de matériel puisque les bateaux peuvent supporter plus de poids. La plupart des séjours se passent néanmoins dans des campements. Chaque troupe a alors une voiture-remorque où entreposer les tentes, les outils, les casseroles et chaque enfant a ses propres couverts et son verre.

« On préfère amener des aliments qui se conservent facilement, en particulier ceux avec une enveloppe naturelle comme les oeufs et les bananes »- raconte Simon Carter. Christine, l’ancienne girl scout, ajoute que la nourriture doit être conservée à l’abri, pour éviter d’attirer les insectes et … les ours. « J’ai toujours avec moi un spray au poivre, au cas où ce carnivore pointerait le bout de son nez », nous confie-t-elle.

Comfort food à toutes les sauces

À l’heure du repas, les troupes se divisent en patrouilles avec des chefs et des tâches à accomplir. Pour préparer des enchiladas en cocotte, un plat mexicain à base de tortillas de maïs et de sauce salsa adoré par les scouts, il faut d’abord construire le feu de camp. Les scouts empilent les bouts de bois pour former un four naturel. « Le plus dur est de veiller à ce que le feu dure longtemps » confie Simon Carter. Pendant ce temps, une autre équipe prépare les oignons, le poulet, le fromage râpé, les haricots, la sauce. La préparation mijote ensuite pendant 40 minutes dans la cocotte, entourée de morceaux de charbons. Ce n’est que l’une des multiples possibilités qu’offre cette méthode de cuisson. Christine Conners apprécie tellement cuisiner en plein air avec une cocotte qu’elle a même consacré un livre à cette technique. Et si transporter un outil en fonte en pleine nature peut paraître ridicule, l’auteur raconte qu’une fois essayé, elle a adopté le faitout pour sa malléabilité: « on peut y faire des œufs au plat, laisser mijoter un bon ragoût ou cuire un cheesecake ».

En écrivant son livre, elle a même découvert qu’au début du XIXe siècle, lors de la première expédition terrestre à travers les États-Unis, les explorateurs Meriwether Lewis et William Clark avaient une cocotte en fonte dans leurs bagages. Thierry Marx, lui aussi, dévoilait en 2011, dans une épreuve de Top Chef consacrée à la cuisine scout, une recette de poulet au pastrami en cocotte, préparée sur un feu de bois. Au petit-déjeuner, Simon, le chef scout britannique, recommande un grand classique: les pancakes. Au miel, au sucre, au bacon ou aux fruits des bois cueillis le matin même. Le pain perdu à la cannelle est un autre grand favori des troupes. Les enfants aiment aussi se préparer des muffins aux myrtilles cuits dans des peaux d’orange. Et parce que les camps scouts sont aussi des vacances, certaines habitudes alimentaires relèvent plus du réconfort que de la diététique. Chamallows trempés dans le chocolat et les flocons de noix de coco cuits au dessus du feu, tortillas au beurre de cacahuète et biscuits à la cannelle recouverts de chantilly sont très populaires chez les jeunes Éclaireurs. Christine Conners propose aussi une recette de crème glacée réalisée dans un sac de congélation rempli de lait, de sucre, d’extrait de vanille et de glaçons. En malaxant la préparation à travers le sac, les enfants obtiendront une glace au bout d’une quinzaine de minutes.

Into the wild

Cuisiner en plein air pendant plusieurs jours donne aussi envie d’utiliser les produits présents autour du campement. Certaines troupes scouts aiment ainsi pêcher et cueillir une partie de leurs repas. Pour le chef scout, rien de meilleur qu’un poisson frais poché sur le feu et dégusté avec du citron. Quant à la cueillette, « c’est une science à part entière qui dépend beaucoup de la localisation, du temps et de l’altitude », met en garde l’ancienne girl scout. Dans le désert du sud-ouest américain, Christine raconte que l’on peut cueillir les fruits des cactus raquettes, dont le jus rappelle le goût des pastèques. Dans le Michigan, on peut trouver des poireaux sauvages, des baies et des champignons. « Si l’on ne s’y connaît pas, mieux vaut éviter la cueillette. Surtout quand il s’agit de nourrir des enfants ! » souligne Simon. Il lui arrive de ramasser de l’ail sauvage et des orties, ingrédients idéaux pour les soupes du soir. Et Christine conclut : « il est toujours amusant de tomber sur de la nourriture comestible en rando mais nous avons un code d’honneur qui nous rappelle aussi que cette nourriture est essentielle à la survie des animaux sauvages. » Une excuse en béton pour s’enfiler deux ou trois brochettes de chamallows supplémentaires.

Illustratrice
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Julie Joseph
Julie est spécialisée dans l'illustration, l'animation, la direction artistique et le design graphique. Elle est régulièrement éditée dans la presse belge et française, notamment dans Le Monde, L'Express ou L'Obs.
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Hélène Rocco
Hélène est journaliste lifestyle. Amoureuse des voyages, elle est aussi accro à la bonne cuisine et donnerait sa mère pour du fromage de brebis.

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