En 2019, lors de l’inauguration des Galeries Lafayette Champs Elysées, la jeune artiste mettait en scène plusieurs sculptures en beurre, une tarte aux framboises gigantesque, une pièce montée faite de roses et de crevettes, et le clou du spectacle : une mortadelle de près de quatre mètres de long qui fit jaser le Tout-Paris pendant plusieurs semaines. En effet, tandis que le magasin de luxe ouvrait en grande pompe en rivalisant de faste et d’invités prestigieux, c’est bel et bien une pièce de charcuterie d’une tonne et demie acheminée à l’aide d’une grue, qui vola la vedette aux artistes bookés pour l’occasion. Depuis, la jeune femme a collaboré avec Christofle, Hermes, Tiffany & Co et LVMH. Rencontre avec celle pour qui “sky is the limit”.
Quel genre d’enfant étais-tu ?
J’étais une enfant très difficile… Je n’étais pas facile à éduquer. J’ai le souvenir d’une drôle de photo de ma sœur Nadia et moi avec ma mère. Elle tient Nadia dans ses bras et j’hurle à côté d’elles. Je suis la première de quatre enfants et j’ai toujours été très provocatrice.
Ta sœur Nadia est également artiste et vous avez créé ensemble Gohar World qui regroupe une série d’objets du quotidien. Quand as-tu su que tu souhaitais devenir artiste ?
Nadia et moi avons des personnalités très différentes, elle a su très vite qu’elle souhaitait être artiste et elle a toujours dessiné. Quant à moi je n’ai jamais eu d’idée précise, j’ai voulu devenir journaliste comme mon père mais je n’ai jamais été studieuse. J’essayais d’être une bonne élève mais l’école ne me plaisait pas, tout ce qui est académique m’ennuie.
Est-ce que tes parents ont été surpris de te voir t’engager dans cette voie ?
Ils ont été très encourageants, je sais qu’ils se sont beaucoup inquiétés pour moi, notamment pendant l’adolescence. Finalement, ils n’étaient pas étonnés dans le sens où j’avais commencé à me faire connaître dans une discipline un peu étrange et qu’en plus j’y gagnais en notoriété. Ils me reconnaissaient bien là ! L’art m’a toujours intéressée et ils le savaient mais je ne savais pas quelle forme cela pouvait prendre, sans doute parce que mon médium n’était pas enseigné à l’école.
Dans ta famille la cuisine compte énormément, est-ce que c’est là qu’est né ton intérêt pour la nourriture et la mise en scène ?
Je viens d’une grande famille, on prenait toujours nos repas ensemble. C’est surtout mon père qui cuisinait, il est très inventif et ne prépare jamais la même chose deux fois. Il n’est pas très strict lorsqu’il s’agit de suivre une recette et il m’a transmis sa vision : accommoder les restes, faire des pickles si tu a plus de légumes que prévu, improviser avec ce qu’on a dans le frigo. Il a une approche très technique et je dirais qu’il est plein de ressources, mais dresser des plats n’était pas vraiment son fort.
Qu’est-ce qu’on trouve invariablement dans ton frigidaire ?
J’adore le champagne Lallier, je pourrais en boire tout le temps, c’en est presque dangereux ! J’ai toujours de l’eau pétillante, des anchois, des œufs, du beurre et d’autres choses assez basiques. Si tu peux acheter de bons produits, tu n’as pas besoin de trop les cuisiner, bien au contraire. Quand je reçois des amis à la maison, je cuisine souvent du poisson, beaucoup de légumes et j’adore le poulet rôti et les pommes de terre. Je peux être très obsessionnelle avec les recettes, et cuisiner la même chose pendant des années jusqu’à ce que je sois satisfaite du résultat. Pendant deux ans, j’ai cuisiné la tortilla de patata, je prenais des notes pour me souvenir de la texture, des températures… Mon mari n’en pouvait plus ! En cuisine, j’aime improviser comme une petite souris et imaginer un repas avec peu de choses, tandis qu’Ignacio aime faire le marché, avoir tous les ingrédients qui lui permettront de réaliser son plat.
Votre époux Ignacio Mattos est d’ailleurs le chef du célèbre restaurant Estella à New York, avez-vous déjà pensé à ouvrir votre propre établissement ?
Ignacio a cinq restaurants à New York, on a un socle commun avec la nourriture mais je sais qu’ouvrir un lieu n’est pas mon ambition. J’ai le plus grand respect pour les personnes qui le font, c’est un métier très difficile mais mon but n’a jamais été de nourrir les gens.
Vous avez commencé en développant des dîners avec Sunday Supper et c’est ainsi que vous avez imaginé un métier à mi-chemin entre la performance artistique et le catering. La nourriture est devenue votre moyen d’expression, mais est-ce que ça aurait pu être une autre matière ?
J’en suis convaincue et peut-être que ça le deviendra un jour. J’ai su très vite que je ne voulais pas être une cheffe traditionnelle. Depuis que j’ai commencé ce métier, mon moyen d’expression est devenu une discipline. Beaucoup de femmes ont adopté cette approche artistique et plus particulièrement à Paris. Lorsque j’ai commencé, il n’y avait pas de carrière qui s’approchait de ce que je souhaitais faire : quand on s’intéressait à la cuisine, on devenait cuisinier. J’ai travaillé dans différents restaurants à New York et Miami pendant mes études et j’ai su très vite que ce qui m’intéressait n’était pas de restaurer, que la nourriture pouvait devenir mon vecteur. Petit à petit, grâce à Sunday Supper et à l’accueil qu’on me faisait sur Instagram, des marques ont commencé à me contacter et j’ai compris que je pouvais en vivre.
En quelques années, ta manière de mettre en scène la nourriture s’est popularisée et on voit souvent ton travail fleurir sur les moodboards d’inspirations. Qu’est-ce qui t’inspire en tant qu’artiste aujourd’hui ?
Tout sauf les moodboards ! Je trouve qu’ils empêchent toute créativité. Beaucoup de gens semblent penser que la création débute avec un moodboard mais pour moi le commencement jaillit d’une idée. Ça ne peut pas venir du travail d’une tierce personne qu’on utilise à ses fins. On se retrouve avec une idée cousue de plusieurs pièces, à la Frankenstein. Je suis inspirée par ce que j’observe dans le quotidien, ce qu’on ne remarque pas toujours. Ça peut être les cônes de signalisation ou les formes géométriques qu’on trouve sur les sites de construction. J’aime être frappée par la beauté de choses qui ont été pensées pour leur fonction, pour leur nécessité. Pour moi l’inspiration n’est pas un processus direct, je ne vais pas au cinéma ou au musée pour en sortir avec une idée concrète. Ces choses laissent une marque dans mon esprit mais l’idée n’est pas immédiate, l’idée naît de l’accumulation d’un million de choses qui inscrivent une note dans mon esprit. L’idée peut naître de quelque chose de drôle, de stupide même ! Pourquoi faire un gâteau aussi immense ? Pourquoi faire une mortadelle géante ? Je fais les choses parce que c’est amusant. Plus les années passent et plus je m’aperçois que c’est ce qui résonne en chacune des personnes qui découvre mon travail. Ce n’est pas intellectuel. Parfois mes idées loufoques ramènent les gens en enfance.
Est-ce que tu cherches à provoquer des émotions chez les gens ? Une forme de nostalgie ?
Mon travail est avant tout un moyen d’expression, je ne peux pas dire que je cherche à créer des émotions car je trouve que c’est une grande responsabilité et surtout de grandes attentes. En tant qu’artiste, tu ne peux pas exiger de quelqu’un qu’il ait des émotions en découvrant ton travail. Bien-sûr si les gens sont émus, j’en suis touchée. Il y a quelque chose de naïf dans mon travail mais je n’aime pas tellement la nostalgie. J’aime aller de l’avant, c’est mon côté américain (rires) ! Je trouve que la nostalgie empêche souvent d’avancer. Quand je voyage, je n’aime pas revenir sur mes pas, en vacances je ne vais jamais deux fois au même endroit. Pour moi l’excitation vient de la découverte, de la curiosité, qu’est-ce qu’il y a ensuite ? J’ai grandi au Caire et je pense qu’il est capital d’avoir des racines et des fondations, comprendre le passé pour mieux envisager l’avenir. Souvent la nostalgie c’est vouloir vivre dans le passé, l’idéaliser. On s’imagine que tout était mieux quand on était enfant mais c’est une glorification du passé un peu agaçante.
Tu visites de nombreux pays pour ton travail et notamment pour ta collaboration avec The Luxury Collection pour laquelle tu as voyagé à Los Angeles et à Kyoto, tu dirais que tu es quel genre de voyageuse ?
J’aime voyager léger, je prends toujours une valise en cabine. J’ai souvent envie de rapporter trop de choses, comme quand je rentrais du Maroc avec des dizaines de vases et de plats en céramique… J’essaye d’être plus minimaliste ! Quand je voyage, je n’aime pas avoir d’itinéraire, j’aime la liberté et me laisser surprendre. Je déteste réserver les restaurants en avance, même au quotidien à New York je trouve insupportable de devoir décider de ce qu’on souhaite manger dans deux semaines. Aussi, je trouve que le but de voyager est la découverte : à quoi bon partir si ça revient à marcher dans les pas de quelqu’un ? Évidemment il m’arrive de suivre les recommandations d’un ami pour certaines adresses mais je trouve que les gens ont tendance à devenir très obsédés par ces restos qu’il faut tester à tout prix. En suivant les recommandations d’un guide, je vais avoir la garantie de ne pas manger un seul mauvais plat, mais ça fait partie de la vie. On ne peut pas passer sa vie à manger des trucs incroyables ! Je trouve que la culture du restaurant est bien trop fétichisée de nos jours et je déteste que les gens puissent rendre la nourriture aussi snob… C’est aussi le problème avec Instagram, on ne montre pas la réalité. Personne ne vit comme ça au quotidien et on devrait tous manger un sandwich triangle chez Monoprix de temps en temps, il y a de la place pour les deux dans la vie.
Lorsque tu travailles sur tes installations, est-ce que tu préfères dessiner ou prendre des notes ? À quoi ressemble ton processus de création ?
Je dessine et j’écris des choses dans mes carnets. C’est un peu le bazar, à l’image de mon studio où j’accumule plein de choses, ça peut presque sembler chaotique. Mon processus n’est pas très défini et puisque je parle l’anglais et l’arabe, il m’arrive aussi d’écrire en arabe lorsque je pars de la fin du carnet. Parfois les deux langues finissent par se rejoindre. Je n’ai pas de recette pour créer, on dit souvent aux créatifs qu’il faut penser « outside the box » mais la vérité c’est qu’il n’y a pas d’astuce, il n’y a pas de raccourci. C’est une chose que les gens n’ont pas envie d’entendre car ce n’est pas la manière simple d’y arriver mais il faut travailler, recommencer, encore et encore. Il faut du temps pour que ton travail soit bon et il en faudra tout autant pour que tu sois reconnu pour ce que tu fais, si c’est ce que tu souhaites. Il n’y a rien d’autre que le travail et c’est la seule raison pour laquelle j’évolue.
C’est très américain de valoriser le travail et de préciser qu’il n’y a pas de recette magique, qu’on n’est pas touché par la grâce. Est-ce que tu penses que devenir mère a changé ton rapport à ta vie professionnelle ?
J’y pensais hier en allant me coucher, ce qui est intéressant quand tu as un enfant, c’est la valeur du temps. Comme tout le monde, tu as 24h dans ta journée mais lorsque tu as un enfant, tu es toujours pressée et tu changes de paradigme. J’ai compris que si j’étais ici plutôt qu’avec mon fils Paz, je devais faire quelque chose qui ait du sens et être vraiment concentrée. Je dois être capable de lui expliquer un jour que si je ne suis pas avec lui toute la journée, c’est pour faire un métier que j’aime, avec lequel je suis alignée. En devenant mère, le temps est devenu beaucoup plus précieux.
Laila Gohar enjoys her breakfast while holding her son Paz in her arms. It’s 9 a.m. and the scene takes place at the Prince de Galles hotel in Paris. Last night, the artist and designer unveiled a series of sculptural cakes flavored with raspberry and pistachio, reaching nearly 3 meters high, as part of her collaboration with The Luxury Collection Hotel.
In 2019, during the opening of the Galeries Lafayette Champs Elysées, the young artist showcased several butter sculptures, a gigantic raspberry tart, a tiered cake made of roses and shrimp, and the highlight: a nearly four-meter-long mortadella that captured the attention of Parisians for weeks. While the luxury store celebrated its grand opening with extravagance and prestigious guests, it was indeed a 1.5-ton piece of charcuterie lifted by a crane that stole the show from the artists booked for the occasion. Since then, the young woman has collaborated with Christofle, Hermes, Tiffany & Co, and LVMH. A meeting with someone who believes « sky is the limit. »
What kind of child were you?
I was a very difficult child… I wasn’t easy to raise. I have a memory of a funny photo of my sister Nadia and me with my mother. She’s holding Nadia in her arms, and I’m screaming next to them. I’m the first of four children, and I’ve always been very provocative.
Your sister Nadia is also an artist, and together you created Gohar World, which includes a series of everyday objects. When did you know you wanted to become an artist?
Nadia and I have very different personalities; she knew early on that she wanted to be an artist and she has always drawn. As for me, I never had a clear idea; I wanted to become a journalist like my father, but I was never studious. I tried to be a good student, but I didn’t enjoy school; anything academic bores me.
Were your parents surprised to see you pursue this path?
They were very encouraging. I know they worried a lot about me, especially during my teenage years. In the end, they weren’t surprised because I had started to gain recognition in a somewhat strange discipline, and I was becoming more famous. They recognized me in that. I was always interested in art, and they knew it, but I didn’t know what form it could take, probably because my medium was not taught in school.
In your family, cooking is very important. Is that where your interest in food and staging came from?
I come from a large family; we always had our meals together. It was mainly my father who cooked; he is very inventive and never prepares the same thing twice. He is not very strict when it comes to following a recipe, and he passed on his vision to me: use leftovers, make pickles if you have more vegetables than expected, improvise with what’s in the fridge. He has a very technical approach, and I would say he is resourceful, but plating dishes was not really his forte.
What do you always have in your fridge?
I love Lallier champagne; I could drink it all the time, it’s almost dangerous! I always have sparkling water, anchovies, eggs, butter, and other fairly basic things. If you can buy good products, you don’t need to cook them too much, quite the opposite. When I have friends over, I often cook fish, lots of vegetables, and I love roasted chicken and potatoes. I can be very obsessive with recipes and cook the same thing for years until I am satisfied with the result. For two years, I cooked tortilla de patata; I took notes to remember the texture, the temperatures… My husband couldn’t take it anymore! In the kitchen, I like to improvise like a little mouse and imagine a meal with just a few ingredients, while Ignacio likes to go to the market, have all the ingredients he needs to make his dish.
Your husband Ignacio Mattos is the chef of the famous Estella restaurant in New York; have you ever thought about opening your own establishment?
Ignacio has five restaurants in New York; we share a common ground with food, but I know that opening a place is not my ambition. I have the utmost respect for those who do it; it’s a very difficult job, but my goal has never been to feed people.
You started by organizing dinners with Sunday Supper, and that’s how you envisioned a career halfway between performance art and catering. Food became your means of expression, but could it have been another medium?
I’m convinced it could, and maybe it will someday. I quickly knew I didn’t want to be a traditional chef. Since I started this job, my means of expression has become a discipline. Many women have adopted this artistic approach, especially in Paris. When I started, there was no career that matched what I wanted to do: if you were interested in cooking, you became a chef. I worked in different restaurants in New York and Miami during my studies, and I quickly realized that what interested me was not to restore; food could become my vehicle. Gradually, thanks to Sunday Supper and the welcome I received on Instagram, brands started to contact me, and I understood I could make a living out of it.
In a few years, your way of staging food has become popular, and we often see your work on inspiration mood boards. What inspires you as an artist today?
Everything but mood boards! I find they stifle creativity. Many people seem to think that creation starts with a mood board, but for me, it starts with an idea. It can’t come from someone else’s work that you use for your own purposes. You end up with an idea stitched together from different pieces, like Frankenstein. I’m inspired by what I observe in everyday life, things we don’t always notice. It can be traffic cones or geometric shapes found on construction sites. I like to be struck by the beauty of things that were designed for their function, for their necessity. For me, inspiration is not a direct process; I don’t go to the cinema or museum to come out with a concrete idea. These things leave a mark in my mind, but the idea is not immediate; it comes from the accumulation of a million things that leave a note in my mind. The idea can come from something funny, even stupid! Why make such a huge cake? Why create a giant mortadella? I do things because it’s fun. As the years go by, I realize more and more that this resonates with everyone who discovers my work. It’s not intellectual. Sometimes my crazy ideas bring people back to their childhood.
Are you trying to evoke emotions in people? A form of nostalgia?
My work is, above all, a means of expression; I can’t say I’m trying to create emotions because I think it’s a great responsibility and especially high expectations. As an artist, you can’t demand that someone has emotions when they see your work. Of course, if people are moved, I’m touched. There’s something naive in my work, but I don’t really like nostalgia. I like to move forward; that’s my American side (laughs)! I find that nostalgia often prevents us from moving forward. When I travel, I don’t like to retrace my steps; on vacation, I never go to the same place twice. For me, excitement comes from discovery, from curiosity, what comes next? I grew up in Cairo, and I think it’s essential to have roots and foundations, to understand the past to better envision the future. Often, nostalgia is wanting to live in the past, idealizing it. We imagine that everything was better when we were children, but it’s a glorification of the past that’s a bit annoying.
You visit many countries for your work, including your collaboration with The Luxury Collection, for which you traveled to Los Angeles and Kyoto. How would you describe the kind of traveler you are?
I like to travel light; I always take a cabin suitcase. I often want to bring back too many things, like when I came back from Morocco with dozens of vases and ceramic plates… I try to be more minimalist! When I travel, I don’t like to have an itinerary; I like freedom and being surprised. I hate booking restaurants in advance; even in New York in everyday life, I find it unbearable to have to decide what we want to eat two weeks in advance. Also, I think the purpose of traveling is discovery: what’s the point of going if it means walking in someone else’s footsteps? Obviously, I sometimes follow a friend’s recommendations for certain places, but I find that people tend to become very obsessed with these must-try restaurants. By following a guide’s recommendations, I’ll have the guarantee of not eating a single bad dish, but that’s part of life. We can’t spend our lives eating incredible things! I find that the restaurant culture is far too fetishized nowadays, and I hate that people can make food so snobbish… It’s also the problem with Instagram; it doesn’t show reality. No one lives like that every day, and we should all eat a triangle sandwich from Monoprix from time to time; there’s room for both in life.
When you work on your installations, do you prefer to draw or take notes? What does your creative process look like?
I draw, and I write things in my notebooks. It’s a bit messy, like my studio where I accumulate a lot of things; it can almost seem chaotic. My process is not very defined, and since I speak English and Arabic, I sometimes write in Arabic when I start from the end of the notebook. Sometimes the two languages end up merging. I don’t have a recipe for creating; creatives are often told to think « outside the box, » but the truth is there is no trick, there is no shortcut. It’s something people don’t want to hear because it’s not the easy way to get there, but you have to work, start over, over and over again. It takes time for your work to be good, and it will take just as much time for you to be recognized for what you do, if that’s what you want. There’s nothing else but work, and that’s the only reason I evolve.
It’s very American to value work and specify that there’s no magic recipe, that you’re not touched by grace. Do you think becoming a mother has changed your relationship with your professional life?
I was thinking about it yesterday as I went to bed; what’s interesting when you have a child is the value of time. Like everyone else, you have 24 hours in your day, but when you have a child, you’re always in a hurry, and you change your paradigm. I understood that if I’m here instead of with my son Paz, I have to do something that makes sense and be really focused. I have to be able to explain to him one day that if I’m not with him all day, it’s to do a job I love, with which I am aligned. Becoming a mother has made time much more precious.