La cuisine du chef Amaury Bouhours, fraîchement installé aux fourneaux, est composée à 95% de produits français. Le chef recherche des circuits courts et une proximité avec le producteur, permettant de respecter les saisons et les arrivages. La carte du restaurant en dépend donc et change au fil des mois. Aujourd’hui, on cuisine un plat végétarien actuellement à la carte du Dalí, à base de courgettes jaunes et vertes, d’olives et de basilic. Rencontre avec un jeune chef passionné, enjoué et loquace.
J’accède aux cuisines en descendant les escaliers tapissés de rouge. À cette heure, les cuisines sont encore vides, à ma grande surprise. Je m’attendais à un fourmillement, et n’aperçois que trois cuisiniers. Ils s’affairent au coin des viandes et poissons et au roomservice. Du côté de la pâtisserie, on croise Cédric Grolet et son équipe. Le meilleur pâtissier du monde, qui signe des gâteaux raffinés en forme de fruits, est en plein labeur. J’observe les peaux séchées de poissons pendues qui décorent involontairement les cuisines, et la batterie d’ustensiles à chaque recoin.
Le chef m’assigne un poste de travail, non loin de lui. Je remonte mes manches, mets mon tablier brodé de mes initiales, et commence à tailler mes courgettes.
Première étape : manier la mandoline.
Je fais des lamelles de courgettes, au risque d’y perdre un doigt, pour préparer ce qui sera la partie supérieure du plat. Le reste des courgettes sera utilisé pour la base, une compotée parfumée aux herbes. Ce sont des courgettes françaises, soigneusement sélectionnées, aux formes et aux couleurs différentes.
Deuxième étape : piler au mortier japonais.
Il faut réaliser un pesto avec basilic, pignons et huile d’olive. Pendant que le chef raconte que l’huile d’olive vient des Baux de Provence, j’utilise mon huile de coude pour broyer à grand-peine le mélange. L’avantage du mortier japonais réside dans ses stries, permettant de broyer mieux et plus rapidement les ingrédients. Je ne peux m’empêcher de goûter mon pesto, -comme tout le reste d’ailleurs-, avant de passer à la suite.
Troisième étape : remplir le cookpot.
C’est un plat de cuisson inventé par Alain Ducasse lui-même. Ce cookpot permet une cuisson douce et garder le goût et la texture des légumes, car par les petits trous sur le couvercle s’échappe l’humidité. C’est aussi un plat conçu avec esthétisme, destiné à être servi tel quel, pour y manger directement. Le chef arrive même à attraper les plats à la sortie du four : une prouesse digne d’un super héros, ponctué d’un « Tu peux pas faire ça toi hein ». Je ne me vexe pas et remplis le cookpot de ma compotée, trop généreusement visiblement, puisque le chef me lance « Il faut en enlever là ». J’en rajoute en cachette.
Quatrième étape : dresser le plat.
J’établis rapidement mon objectif : faire une œuvre d’art pour rendre hommage au nom de ce restaurant. Je m’en tiendrai finalement à rouler mes petits tronçons de courgettes en tentant de former un ensemble cohérent. Le chef passe et me suggère de faire une mosaïque de couleurs. Je le remercie en lui expliquant que je préfère les regrouper ensemble. Son regard perplexe en dit long : il préfère le mélange à l’ordre. Mais finalement, le résultat n’est pas si éloigné…
Cinquième étape : manger !
Ma partie préférée, il va sans dire. Je crains un peu le résultat, n’étant évidemment pas un cordon bleu, mais suis finalement surprise, par le goût comme par la forme. La courgette enroulée est croquante et fondante, et s’équilibre avec la purée de courgettes tapie au fond du cookpot. Les olives viennent apporter du goût, et le pesto (mon pesto !) relève le tout.