On the milky way
En 2008, un vent de fraîcheur couleur pastel soufflait sur la scène food new-yorkaise avec l’ouverture du premier Milk Bar. Gâteaux immenses recouverts de cream cheese, cookies aux bretzels et biscuits saupoudrés de paillettes en chocolat aux couleurs de l’arc-en-ciel. En clair, une vague girly à l’initiative de la chef pâtissière Christina Tosi. À seulement 35 ans, elle était déjà à la tête de sept restaurants aux côtés du chef David Chang. Une flopée de Milk Bars où, chaque jour, touristes et new-yorkais se pressent pour goûter à la fameuse Crack Pie ou à la glace aux corn-flakes et au Cereal Milk.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de devenir pâtissière ?
J’étais connue pour être difficile lorsque j’étais enfant mais j’étais aussi connue pour mon penchant pour le sucre. Tout ce que je voulais c’était des desserts à chaque repas. Ma mère a fini par arrêter de m’autoriser à ne manger que des desserts à table et j’ai donc dû apprendre à les préparer moi-même. J’ai tellement aimé ça que j’ai décidé de m’inscrire en école de cuisine et j’en ai fait ma profession.
Comment définirais-tu ton style ?
Je suis un mélange entre une petite vieille et un garçon manqué.
Et en cuisine ?
Une pâtissière américaine old school qui rencontrerait un fan de junk food qui rencontrerait un chef pâtissier.
Comment t’est venue l’idée de créer le Milk bar ?
Lorsque j’ai ouvert le Milk Bar en novembre 2008, je voulais absolument que la pâtisserie soit le reflet sincère de mon regard sur la vie et sur la nourriture. Je n’avais aucune vision ni aucune autre intention au-delà de ça. La suite, je la dois aux clients qui ont été très enthousiastes dès le début. J’ai aussi la chance de créer des choses pour la marque Momofuku, le restaurant de David Chang !
Quel est ton processus de création ?
Mon processus de création est très simple. Le Milk Bar est un espace de partage où l’on demande l’avis de chacun, où les gens se sentent encouragés et où l’on demande à chacun de participer. L’inspiration doit être pure. Il y a une grande différence entre être inspiré et être influencé, c’est-à-dire faire un dessert qui ne serait qu’une copie d’un autre. Pour moi, le processus de création, c’est trouver son propre tempo. Ne pas être excentrique ou différent mais simplement être unique. Les esprits créatifs inspirent la créativité de ceux qui les entourent. Une idée naît avec un coeur honnête, un amour de la cuisine… Cela peut prendre un jour (Cereal Milk), deux ans (Birthday Cake) ou même quatre (Pancake Cake) !
Parmi tes créations, certaines semblent parfois nostalgiques et inspirées des souvenirs et des émotions de ton enfance…
Le goût et la mémoire sont deux choses identiques pour moi. J’imagine que les deux peuvent être séparés, mais ensemble ils peuvent créer quelque chose de puissant et de poignant, une fois combinés dans un plat ou un dessert.
Quelle est la chose que tu pourrais manger à longueur de temps ?
Je suis vraiment obsédée par la pâte à cookie. C’est ce que je mange après une longue journée et rien ne peut la remplacer. N’importe quelle sorte de pâte à cookie me convient !
Tu es reconnue pour tes combinaisons de goûts ! Est-ce que tu as déjà associé des éléments à priori opposés en étant positivement surprise du résultat ?
J’aime beaucoup l’association que nous avions à la carte des desserts du Ssam bar : fraises, céleri rave, livèche et crackers ritz. C’est une surprise totale pour un dessert qui pourtant semble évident une fois qu’on le mange !
Comment as-tu eu l’idée de créer ces gâteaux à étages qui sont aujourd’hui la signature du Milk Bar ? C’est-à-dire des gâteaux à plusieurs couches et sans glaçage.
J’adore les gâteaux. Il n’y a rien de mieux qu’un gâteau sinon un gâteau et du glaçage ! Quand j’ai ouvert le Milk Bar, je savais que je voulais redéfinir ce qu’était le gâteau, je voulais faire des gâteaux capables de défier la norme. J’adore les garnitures et les textures surprenantes, c’est pourquoi absolument tout peut devenir une garniture de gâteau dans ma tête ! Un crunch aux noisettes, un cheesecake liquide, des pépites maltées, une crème aux fruits de la passion… Pourquoi cacher tous ces étages de saveurs sous des couches de glaçage ? N’allez pas penser que je n’aime pas ça, j’aime bien plus le glaçage que la majeure partie des gens, mais un gâteau peut raconter une histoire, c’est pourquoi nous créons nos gâteaux en laissant leurs côtés apparents, il en résulte une expérience visuelle qui advient juste avant de le dévorer !
Comment est-ce que tu réussis à rester avant-gardiste dans une industrie qui a tendance à passer d’une mode à une autre ?
Je n’essaie pas d’être dans la mouvance. J’essaie de rester honnête envers moi-même et envers le Milk Bar. J’essaie de ne jamais juger ni de me préoccuper de ce qui sera à la mode ou ce qui ne le sera pas. Je ne pense pas qu’on puisse réellement créer avec toutes ces choses en tête. Il faut rester soi-même, avoir confiance et s’assumer. C’est là le secret du Milk Bar.
Pourquoi penses-tu que les gens adorent le Cereal Milk ?
Je pense qu’on aime le Cereal Milk parce que c’est une boisson amusante et que chacun peut se souvenir d’avoir bu son fond de lait au goût de céréales. Créer une connexion avec quelque chose que l’on mange est essentiel car ça te fera penser à de lointains souvenirs, ça peut aller jusqu’à l’obsession ! Manger des céréales est quelque chose de réconfortant qui fait partie du régime de chacun, que ce soit tôt le matin ou tard le soir.
Lorsqu’on découvre ton travail et ta personnalité, on a très vite envie de devenir ta meilleure copine, est-ce que tu pourrais nous confier des trucs bizarres sur toi que personne ne sait ?
J’ai tendance à parler à coeur ouvert et je vis ma folie sans m’en cacher ! Donc j’imagine qu’il reste très peu de secrets ? J’aime travailler dur. Je crois que les bizarreries sont ce qui font que le monde tourne rond, tout comme les chiens, les desserts, la corde à sauter, les bons films et la musique. J’ai un esprit aventureux bien que je vive au même endroit depuis plus de huit ans. J’adore la junk food. Je joue du ukulélé, ou de façon plus réaliste, disons que je prends des leçons de ukulélé. J’ai l’intention de ne jamais vieillir. J’ai juste envie d’être comme ma mère et ma grand-mère quand je serai adulte. Je serais prête à courir des kilomètres chaque jour pour être au calme si j’avais du temps libre. Si je ne vivais pas en ville, j’aimerais vivre au milieu de nulle part dans une ferme ou un ranch.
Où est-ce que tu te vois dans dix ans ?
Sans rire, je n’y ai jamais vraiment pensé. Je préfère vivre aujourd’hui, demain, et si possible la semaine prochaine.
Retrouvez toutes les adresses du Milk bar et de Momofuku sur http://milkbarstore.com/main/stores/