Qui es-tu, Chantal Anderson ?
Je viens de Seattle où j’ai étudié le journalisme avant de déménager à Los Angeles, où je pose mes valises entre deux voyages.
Pourquoi as-tu choisi d’aller sur la côte italienne ?
Pendant mon enfance, je nageais tout le temps dans l’eau glacée et sombre de la mer des Salish. J’ai toujours eu soif de la mer salée et scintillante de la Méditerranée. Quand j’ai vu que l’un de mes films allait être projeté à un festival milanais (Chantal réalise des courts-métrages régulièrement récompensés, ndlr), j’ai décidé de m’accorder quelques jours de pause en sautant dans un train pour les Cinq Terres.
Peux-tu nous en dire plus sur ton voyage ?
On a pris le train de Milan à Monterosso et on a posé nos sacs à dos à Corniglia. Tous les matins, au lever du soleil, on sortait du lit pour prendre les chemins de randonnée. On marchait aussi longtemps que possible et on s’arrêtait pour boire du vin ou sauter dans l’eau. Notre routine ressemblait à ça : lever du soleil, rando, glace, rando, pesto, rando, vin, rando, plongeon, coucher du soleil. On se laissait vivre.
Un moment ?
Dans le train de Milan à Corniglia ; je lève les yeux et puis les baisse. Je regarde mes pieds et par la fenêtre. Les paysages défilent comme les instants d’une soirée arrosée. Flous et ininterrompus. J’ai passé six jours à me nourrir exclusivement de farine, de beurre et d’eau. À grimper dans les collines tandis que le soleil se levait à l’horizon. À balayer le coton sur ma peau pour plonger dans la mer. Rien ne sert de nager, on flotte comme un bouchon, enveloppé de sel, en se balançant d’avant en arrière à travers les vagues fatiguées.
Une anecdote ?
Un jour dans son jardin, mon arrière-grand mère, pendant qu’elle prenait de la terre de l’Idaho dans la main, m’a dit : « C’est ma terre, l’endroit où je me sens moi-même. » Elle parlait de son enfance passée dans les hauteurs à la frontière entre l’Italie et la Suisse. Pendant mon voyage, j’ai beaucoup pensé à elle, ses tomates roma et son pain en tranches. J’ai pris ces photos pour la comprendre, saisir ce qu’elle a peut-être vu et comment sa vie aurait été différente si elle était restée en Europe. Je regardais l’après-midi passer tandis que la lumière se reflétait sur les bâtiments couleur abricot et les corps sportifs, comme dans une peinture.
Un point de vue ?
Chaque ville a son charme mais j’aime vraiment Corniglia parce que c’est l’un des plus petits villages et qu’il y a une plage cachée où on peut se réfugier pour avoir l’impression d’être à des kilomètres des touristes en train de marcher sur la colline.
Un souvenir ?
La recette du Trofie al Pesto (des pâtes à base de pesto, de haricots verts et de pommes de terre) qu’un Italien m’a donnée.
Une photo préférée ?
J’aime vraiment l’image de la mer agitée (ci-dessous) parce qu’elle reflète parfaitement ce que j’ai ressenti en nageant cette nuit-là. Il commençait à faire sombre mais on ne voulait pas sortir de l’eau chaude. Quand on a enfin regagné nos serviettes, on a regardé le ciel disparaitre dans la nuit.