« L’artisanat est un secteur qui a été fortement touché par la crise sanitaire, explique Valérie Glatigny, Ministre, notamment en charge de la Promotion de Bruxelles. Par le soutien à nos artisans, nous voulons participer à l’émergence d’un véritable savoir-faire bruxellois dans des domaines comme la gastronomie, la mode, l’architecture ou l’art nouveau. » Cette année, la capitale belge devient d’ailleurs capitale mondiale de l’Art Nouveau dans le cadre de Art Nouveau Brussels 2023, une programmation multidisciplinaire mettant en valeur la richesse du patrimoine architectural de la capitale et l’impact de l’Art nouveau sur de nombreux domaines artistiques. Entre deux visites des plus belles architectures de Bruxelles, Mint est parti à la rencontre de ses artisans.
Charlotte Gigan, céramiste – Studio Bikst
Vous êtes céramiste, Martin Duchêne est designer. Ensemble vous avez reçu le prix jeune designer de la Fédération de Wallonie avant d’être nommés designer de l’année en 2022 avec Studio Bikst. Vous pouvez nous parler de vos créations ?
On s’est rencontré à Lacambre et en 2018, on a décidé de travailler ensemble. Je suis artiste plasticienne et Martin est designer industriel. Nos créations sont une réflexion sur l’hybridation entre les deux univers. On travaille notamment sur l’extrusion qui est un procédé de fabrication qui peut rappeler celui des churros à la fête foraine : la pâte passe dans un profil avant de sortir en étoile et d’être cuite. L’idée pour nous est de mettre ce type de processus industriel, qui est notamment utilisé pour la production de briques, en confrontation avec l’artisanat. On est assisté à la machine mais on continue de travailler la matière avec la main ou le corps pour déformer ou assembler nos produits.
Quel type d’objets avez-vous désigné ?
Notre premier essai avec une grande matrice d’extrusion s’appelle Balik. C’est un banc en argile dont le processus nous a demandé énormément de temps et de réflexion. Nous avons donné des noms turcs à nos objets car j’ai vécu un an à Istanbul où Martin m’a rejoint. On a adoré cette ville dans laquelle Balik est un pont. Notre banc Balik a d’ailleurs été décliné en arche, c’est un module que nous voulons pouvoir réutiliser. On a ensuite désigné un vase et aujourd’hui on est présent au sein de Collectible (salon Bruxellois qui réunit depuis 6 éditions les galeries émergentes et jeunes designers d’objets européens, ndlr).
Vos projets ?
Nous voulons pouvoir créer nos objets et les fabriquer ici à Bruxelles. Tout en continuant d’agrandir notre gamme d’objets, on planche actuellement sur nos prochaines expos : des projets privés mais aussi Art-o-rama à Marseille en septembre prochain.
Thibault Fournal – fondateur de Swet
Tu proposes une trentaine de sauces aujourd’hui. C’est quoi les inspirations derrière chacune d’entre elles ?
À la base je suis designer. J’ai toujours trouvé ça hyper compliqué de dénicher de vraies bonnes sauces, piquantes et pas grasses, bio et locales. Pendant le Covid j’ai eu le temps de me pencher sur cette envie de faire des sauces d’abord vendues un peu sous le manteau. Je livrais mes sauces maison chez les gens, en vélo, qui se retrouvaient devant leur frigo vide et leurs frites molles à une époque où on s’emmerdait pas mal gustativement parlant. Swet s’est officialisé en 2021, j’ai commencé à vendre mes sauces en épicerie, puis en France.
Tu proposes une trentaine de sauces aujourd’hui. C’est quoi les inspirations derrière chacune d’entre elles ?
L’idée est de proposer une nouvelle sauce tous les mois, à base de produits de saison et locaux. On a une gamme de 6 sauces proposées à l’année. Les idées viennent d’un peu partout, on fait des tests en labo pendant lesquels on affine les saveurs et nos cahiers de recettes. On fait aussi des collab’ avec des potes restaurateurs. Certains de nos produits sont plantés en partenariat avec une ferme d’aquaponie bruxelloise qui élève des truites. Avec l’eau de récupération de l’élevage, on nourrit nos plantes. On a des piments frais, cultivés sur les toits de Bruxelles, d’avril à décembre.
Vos sauces se situent où sur l’échelle du piquant ?
On va du 2/10 au 10/10. L’un de nos grands classiques c’est la Fumado une sauce aux saveurs fumées hyper profondes à base de piments verts d’Estramadure en Espagne, avec des oignons rouges belges caramélisés à la cassonade, nos piments Habanero cultivés sur les toits, ail frais et poivre noir du Sri Lanka. Elle accompagne à peu près tout (les viandes, les frites, le tofu) en rappelant le vrai goût du barbecue mais en version 100% veggie. Mais on veut faire comprendre aux gens qu’en terme de produits, rien n’est infini. Même notre Fumado qui est disponible toute l’année va évoluer en fonction de la saison. Les oignons sont doux au début, puis progressivement plus forts à mesure que la saison avance.
Amélie Pelseneer, bijoutière – Amé Brussels
Racontez-nous l’histoire d’Amé Brussels.
J’ai commencé il y a 10 ans comme bijoutière pour un atelier de joaillerie bruxellois, qui proposait déjà de récupérer des bijoux anciens. C’est une démarche que je trouvais intéressante d’un point de vue écologique et éthique. A l’origine je suis styliste, et j’ai vite été écœurée par les chaînes de production textile. Le métal peut se transformer quasi à l’infini et ce que j’aime dans ce matériau. Il y a deux ans, j’ai voulu lancer ma propre marque autour de cette idéologie.
Vous proposez donc à la fois vos propres créations ainsi qu’un service de transformation ?
Oui, les clients viennent avec leurs bijoux, parfois avec une idée en tête et nous travaillons ensemble à l’élaboration d’une nouvelle pièce. De mon côté, je travaille avec une filière qui me permet de racheter des bijoux anciens dont la matière première me sert de base à mes propres collections. Je travaille surtout avec l’or 18 carats, mais aussi les pierres, que je garde souvent brutes, elles représentent en général le début de la création.
Comment on pense la nouvelle vie d’un bijou ? Par rapport à une nouvelle création par exemple ?
Les bijoux que l’on m’apporte ont une histoire. Si un client veut les transformer, c’est qu’il ne veut pas les revendre et donc qu’il souhaite garder une trace du passé. L’idée est de le faire perdurer dans le temps, qu’il ne soit pas marqué par un style où une mode.