Onsen, mode d'emploi

Lors d’un voyage au Japon, il faut : slurper des ramen, visiter Tokyo, faire des photos kawaii dans un photomaton, goûter au kare-raisu — le plat préféré des enfants — et il faut aussi découvrir les onsens. Ces sources d’eau chaude, dans lesquelles adorent se prélasser les Japonais, séduisent de plus en plus les touristes. Il en existe près de 27 000 au Japon et plus de 35% sont concentrées dans la région du Kyushu. L’onsen, c’est un havre de paix, un moyen de relaxation suprême pour le corps et l’esprit. Mais il y a quelques règles à connaître.

Lost in Translation

20h30 dans la banlieue de Tokyo, à Kokubunji. Mon hôte fait couler un bain. Je suis l’invitée et on me laisse utiliser la salle de bain dite ofuro la première. La pièce est assez petite, la baignoire est étroite et profonde, recouverte par un rouleau en plastique permettant de conserver la chaleur de l’eau plus longtemps. Le sol est étanche, il n’y a pas de cabine de douche. Face à moi, un grand miroir, des produits de toilette, une douchette et un petit tabouret jaune en plastique. J’ajoute du savon et m’engouffre dans ce petit bassin d’eau fumante. Trois jours se passent avant qu’un membre de la famille n’ose m’expliquer que depuis mon arrivée, j’ai tout fait de travers. Barrière de la langue oblige, la tante mime l’action de se laver en s’asseyant sur le tabouret. Elle m’explique en substance que je suis censée être propre avant de pouvoir me plonger dans le bain, où toute la famille passera à tour de rôle. Trois jours ! Imaginez donc le degré de politesse et le courage qu’il lui a fallu pour m’expliquer droit dans les yeux que j’étais un peu crado.

Dauphin, salamandre et caractères chinois

Voici comment se passe le rituel du bain au Japon, pour l’onsen, c’est pareil. Il y a quelques coutumes à connaître. Par exemple, il est généralement impossible d’accéder à ces havres de paix et de détente si l’on porte des tatouages. Cette règle est mentionnée dans la plupart des onsens : selon la tradition, les tatouages sont l’apanage des yakuzas. Autant dire que les propriétaires ne voulaient pas avoir à faire à la mafia locale, connue pour son extrême violence. Ces principes se sont quelque peu dilués avec le temps, le tatouage s’étant largement répandu chez les jeunes. Mon dauphin tatoué sur l’épaule et moi sommes donc passés inaperçus dans les nombreux onsens de la région du Kyushu, île réputée pour ses bains d’eau chaude issue des sources volcaniques.

Couvrez ce sein

Règle numéro 2 : la nudité. Eh oui, c’est à poil qu’il faut se détendre dans un onsen. Les thermes sont tantôt réservés aux hommes ou aux femmes (mais il en existe des mixtes). Certains ryokans (hôtel traditionnel japonais, ndlr) mettent à disposition un bain attenant à la chambre, réservé au couple ou à la famille. Une fois sur place, je prends connaissance du petit règlement. Merci de bien vouloir retirer TOUS vos vêtements et vos bijoux. Rendez-vous vers les sources en ne vous munissant que de la modesty towel. Légère appréhension à la lecture de ce terme inconnu jusqu’alors. En effet avant d’entrer, on reçoit une serviette ce qui a tendance à rassurer la grande pudique qui sommeille en moi. Dépliage. Constatation de la surface. Réflexion sur ce qui pourrait être camouflé. Un sein, mais pas les deux. Ou alors un bout de fesse aussi. Cette petite serviette sert en fait à s’éponger le front et ne doit en aucun cas faire trempette dans l’eau.

Samouraïs, shoguns et mignons rongeurs  

Aux 15e et au 16ème siècles déjà, les Samouraïs aimaient se détendre dans les onsens pour guérir leurs blessures. Après de nombreuses guerres, Avant que la pratique ne se démocratise, ce sont les shoguns (les généraux japonais, ndlr) qui profitaient de ces sources. Au Japon, les onsens sont aussi fréquentés par des animaux comme les singes ou les capybaras, un genre de rongeur particulièrement kawaii qui aime se baigner de décembre à février dans les sources de la préfecture de Nagasaki. Aujourd’hui, les Japonais utilisent les bains pour récupérer de leurs longues semaines de travail mais aussi pour leurs multiples bienfaits. En effet, l’eau est riche en minéraux qui sont absorbés par la peau et agissent sur les muscles, les cellules et le système nerveux. La chaleur influe sur les articulations, facilite la circulation sanguine et soulage les douleurs. Les eaux procurent des effets très différents selon la géographie — en altitude ou au bord de l’océan.

Peau de bébé

Si pour beaucoup, les onsens sont des sortes de petites piscines, il en existe en fait de toutes sortes, toutes décryptées lors de l’International Onsen Summit 2018. Palme d’or pour le plus étrange : le bain de sable. Il s’agit d’abord de creuser son trou dans le sable (action quelque peu saugrenue pour ne pas dire glauque) et de s’enterrer dedans — sauf la tête, bien entendu. Si la sensation est un peu déplaisante au début, on se détend au bout de quelques minutes. Cette méthode est apparemment bénéfique pour les muscles et le teint. Il y a aussi les onsens pour les pieds ou les mains, à une méthode qui permet de se détendre dans un environnement mixte où l’on peut même converser avec son voisin. Ceux-là se trouvent dans les petits villages, à proximité des gares et même à l’aéroport. Et en plus, c’est souvent gratuit. Dernière originalité, le bain de boue qui donne la peau douce. Riche en minéraux, il est préconisé de se baigner puis de laisser sécher la boue sur son corps pour profiter de ses bienfaits. Profitez de votre voyage dans le Kyushu pour porter un kimono dans les rues de Kitsuki, déjeunez à Kirakuan, le restaurant traditionnel de la ville d’Usuki et gardez un peu de place pour une glace au miso démente. Survolez le Mont Aso en hélico et visitez les enfers de Beppu, l’onsen le plus énervé de la région qui bout à 100°C. Faites tout cela mais surtout, ponctuez chaque escapade d’un vrai moment de détente en profitant des paysages idylliques de la campagne japonaise.

Journaliste
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Déborah Pham
Co-fondatrice de Mint et du restaurant parisien Maison Maison. Quand elle n’est pas en vadrouille, elle aime s’attabler dans ses restos préférés pour des repas interminables arrosés de vins natures. Déborah travaille actuellement sur différents projets éditoriaux et projette de consacrer ses vieux jours à la confection de fromage de chèvre à la montagne.
Illustrateur
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Mickaël Jourdan
Mickaël est un auteur-illustrateur basé à Toulouse. Passionné de littérature jeunesse, il partage son temps entre l'illustration et de nouveaux projets de bandes dessinées.

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