Mint : Comment sont nées tes premières fresques érotiques ?
Karla Sutra : Le projet a démarré en 2016. J’ai créé un premier motif qui me trottait dans la tête sous la forme d’azulejos. Je l’ai imprimé en plusieurs fois et collé dans la rue.
D’où viennent tes inspirations ?
L’idée était celle de reproduire l’esthétique des fresques murales en céramique que l’on retrouve beaucoup en Catalogne. J’ai toujours été fascinée par le patrimoine architectural, les bâtisses de Gaudi, les églises et les monastères aux influences mauresques, ou encore les morceaux de céramiques cassés que l’on retrouve sur des façades à Cadix.
Quel est ton procédé de création ?
Je fais tout à la main en partant de diverses inspirations autour des corps et de l’érotisme, un thème que je travaille depuis toujours. Je dessine un motif à l’aquarelle que je scanne et que je multiplie pour créer un rythme et parvenir à l’illusion d’optique finale.
On peut apercevoir tes œuvres dans Paris, au détour d’une rue, d’un escalier, d’une boutique, font-elles le mur dans d’autres pays ?
Lorsque je voyage j’embarque toujours mon attirail avec moi comprenant mes créations et des colles. On les retrouve à Berlin, à Venise ou encore à New-York où j’ai collaboré avec une street-artiste américaine et exposé là bas avec une ami réalisatrice et photographe. Au Japon récemment, j’ai collé des stickers dans quelques rues.
Pourquoi avoir choisi le street-art comme médium ?
J’ai toujours été très touchée par cet art de la rue qui est accessible à tous. L’azulejos est un moyen d’égayer la ville, d’apporter du soleil et d’amuser les passants lorsqu’ils se rapprochent de mes fresques. C’est très stimulant ce mélange d’adrénaline et d’excitation quand je passe de la création à l’affichage.
Il y a une dimension très sensuelle dans l’acte de manger, c’est un besoin mais aussi un plaisir. On parle parfois d’orgasme gustatif, de courbes d’un fruit rappelant celles d’un corps… Les liens avec l’érotisme et la sexualité sont multiples.
Karla Sutra
Tes dessins ont aussi fait progressivement leur entrée dans des restaurants sous la forme de céramiques…
Contrairement au street-art, la céramique est un médium qui ne se dégrade pas. J’ai donc appris différentes techniques, dont le zellige, un ensemble de carreaux décoratifs que l’on retrouve dans une rue du 11e arrondissement de Paris à deux pas du restaurant Au Passage, mais aussi sur le comptoir de Gramme, un Coffee-shop dans le Marais. J’ai récemment dessiné une collection de tables dans le même esprit pour un hôtel parisien qui ouvrira prochainement.
Tu as également lancée plusieurs collections d’assiettes en céramique sur ton site dont une avec The Social Food, peux-tu nous en dire plus ?
C’était une collection inspirée de légumes, de fruits de mer et d’autres aliments appréciés par Shirley et Mathieu (les créateurs de The Social food, ndlr) que j’ajoutais à mes dessins de nus. Il y a une dimension très sensuelle dans l’acte de manger, c’est un besoin mais aussi un plaisir. On parle parfois d’orgasme gustatif, de courbes d’un fruit rappelant celles d’un corps… Les liens avec l’érotisme et la sexualité sont multiples.
Photos : The Social Food
Sur ton compte Instagram, on a pu apercevoir les contours de ta nouvelle collection d’assiettes dont l’esthétique rappelle celle des estampes érotiques japonaises…
J’ai quelques Hentaï chez moi qui m’ont beaucoup marqué. Lors de mon dernier voyage au Japon, je me suis replongée dans cet univers qu m’a fortement inspiré, c’est une sacrée référence dans le domaine de l’art érotique.
D’autres projets en cours ?
Une ligne de foulards en soie confectionnée à la main que j’ai dessinée pour la micro galerie en ligne Pâme. Ils sont disponibles en édition limitée. Ce sont quatre oeuvres dont chaque pièce qui les compose sont numérotées de 1 à 75. Là encore, c’est un objet très connotée. Les femmes se masturbaient avec des morceaux de soie à l’époque, tandis qu’avec un foulard tu peux te bander les yeux ou encore attacher certaines parties du corps. Dans nos sociétés actuelles, le sexe est trop exposé, ou très tabou. L’amener dans la rue, à table ou sous la forme d’accessoire c’est une façon de le replacer dans nos vies quotidiennes tout en redonnant des lettres de noblesse à l’érotisme.